Emmanuelle Ceretti-Lafrance
Smoke and Mirrors, c’est l’histoire de deux personnes épuisées de leur travail aliénant dans le monde des chiffres et de l‘argent. Ils rentrent à la maison le soir et s’en suit une nuit endiablée, où l’unité de deux corps finit par se rencontrer. En complet, cravate et tailleur, ce spectacle de cirque contemporain offre une perspective intéressante sur l’être humain.
La scénographie est assez épurée. Sur scène, seulement les installations techniques nécessaires aux numéros; un trapèze et deux grandes cordes suspendues au plafond. Seules coquetteries, deux chaises et un luminaire de style industriel. Laura Stokes et Cohdi Harrell meublent l’espace parfaitement. Les interprètes ont une maitrise incroyable de leurs corps et semblent contrôler chaque muscle à la perfection.
Au début, l’homme et la femme sont chacun de leur côté, dans leur individualité. Ils sont distincts. Cohdi est dans l’ombre, Laura dans la lumière. Il est précis, presque structural, elle semble plus chaotique dans ses mouvements. Ils sont tous les deux agités, comme des pantins prisonniers de leur routine métro, boulot, dodo. Puis, plus le spectacle avance, plus les deux êtres se retrouvent ensemble, dans une cohésion parfaite du corps et de l’esprit. Ils deviennent plus sereins; leurs mouvements sont moins désordonnés. Leurs corps semblent plus fluides dans l’espace de jeu. La distinction homme versus femme s’efface tranquillement, une pièce de vêtement à la fois. En effet, les deux finissent le spectacle presque nus, montrant que peu importe notre sexe, nous sommes tous des êtres humains.
Malgré la beauté des tableaux dans leur individualité, l’ensemble est un peu répétitif. Les deux Américains commencent toujours par un numéro solo, puis les deux ensemble, pour finalement revenir au milieu de l’espace dans un jeu avec le luminaire et la chaise. Cela rend le résultat long. Une variété dans l’exécution et l’ordre des tableaux auraient été bénéfique. De plus, la partie incluant le stroboscope aurait pu être raccourcie de plusieurs minutes. Cet élément n’est pas utile au spectacle et lui nuit plus qu’autre chose, incommodant le spectateur et l’empêchant de focaliser son attention sur les artistes.
Le numéro final qu’ils font ensemble dans les cordes est à la fois émouvant et désarmant. Sur un extrait du discours du film The Great Dictator de Charlie Chaplin, les deux artistes livrent une performance à couper le souffle. Leurs corps s’entremêlent et ils s’étreignent enfin, montrant une tendresse que l’on avait besoin de voir. Toute la tension de leur journée semble maintenant s’être évaporée pour laisser place à un laisser-aller.
C’est le moment où le matin montre le bout de son nez. Ils redeviennent deux, oubliant la folie de la nuit. La journée recommence. Leur aliénation aussi. Un cercle vicieux qui semble sans fin.
Smoke and Mirrors de la troupe The Ricochet Project est présenté du 7 au 17 juillet à l’Espace Go.