Le gratte-ciel comme métaphore de la société moderne, voire post-moderne. Adapté du roman de J. G. Ballard, High-Rise, réalisé par Ben Wheatley, est une oeuvre brutaliste, à l’image de la tour où se déroule l’intrigue.
En 1975, le Dr Robert Laing s’installe dans la première d’une série de cinq tours formant le projet un peu fou d’un architecte pour qui la vie à l’intérieur des murs doit être la plus autosuffisante possible. Dans cette immense tour de béton, on trouve de tout: épicerie, gymnase, spa, cour de squash, piscine, garderie… À l’extérieur, un océan de voitures stationnées sur du béton cuit par le soleil. Un territoire hostile, où l’on ne s’aventure que pour aller travailler.
À l’intérieur de la tour, Laing (Tom Hiddleston, en maîtrise) se heurte à une stratification sociale poussée. En bas, les gens du « commun », ceux qui ont des enfants et qui peinent à payer leurs comptes. En haut, les riches, les bourgeois, ceux qui font la fête vêtus de déguisements époque Révolution française et qui se promènent à cheval sur le toit. Ce genre de choses. Au milieu, notre personnage tente de surnager, coincé entre les deux camps.
Rapidement, d’ailleurs, l’ambiance tourne au cauchemar. L’électricité manque, les ordures s’accumulent, l’ordre social se délite. S’ensuit une plongée dans la violence et le chaos, et ce autant dans l’immeuble que dans l’esprit de notre héros. Si tant soit peu que nous puissions le qualifier de héros.
Personne n’est véritablement innocent, dans cette imposante tour de béton qui se dissocie d’une Angleterre elle aussi en proie à de graves troubles. Une sorte de dualité entre le microcosme qui devient macrocosme au fur et à mesure que le scénario progresse.
Dans cet univers, il y a donc notre Prométhée (Hiddleston), notre Zeus (Jeremy Irons en architecte à la fois imbu de sa propre personne et désireux de demeurer tout de blanc immaculé, autant physiquement que symboliquement), mais aussi notre Perséphone (Sienna Miller).
Si High-Rise jouit d’une esthétique particulièrement léchée et d’un jeu d’acteurs convaincant, le réalisateur Ben Wheatley semble avoir écarté une bonne part du roman de Ballard, probablement pour parer au plus pressant et ramener le film sous la barre des deux heures. Le problème est que cela fait en sorte que le long-métrage perd en substance sans y gagner au change. La lente détérioration du climat social dans la tour est accélérée à un point tel qu’on se retrouve quelque peu le bec à l’eau, projetés dans une ambiance de folie sans comprendre comment on y est arrivés.
Malgré cet impair, Wheatley réussit à sauver la mise et offre un film intéressant, ne serait-ce que pour avoir cette impression de retrouver quelque peu le Patrick Bateman d’avant American Psycho. À voir.