L’imagerie du peintre Edmund Alleyn semble imprégnée de design, de bande dessinée et de graffitis. L’exposition au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) présente l’amplitude sociale et science fictionnelle de son œuvre du 19 mai au 25 septembre.
L’exposition rétrospective qui couvre la seconde moitié du XXe siècle, de la fin des années 1950 au début des années 2000, permet de déceler une double ellipse dans le parcours de l’artiste.
Né à Québec en 1931 dans la communauté anglo-irlandaise, Edmund Alleyn a étudié à l’École des beaux-arts de Québec. La première série de toiles exposées nous rappelle les abstractions des Automatistes, ces taches épaisses et foncées sans perspective. À la différence que ce contemporain du peintre Jean-Paul Lemieux, qui peignait des personnages bien découpés dans leur espace individuel à l’intérieur du cadre, fait ressortir un autre niveau qui traduit un espace intérieur.
À cette volonté de représenter deux niveaux, la planéité de la toile et l’intériorité figurative, c’est-à-dire un décalage à même l’image, l’artiste est amené à se soustraire de sa collectivité. Après avoir séjourné en France de 1955 à 1970, s’être inspiré de l’art des Amérindiens de la côte ouest à l’autre extrémité du pays, il retourne au Québec. Frappé par les changements opérés pendant son absence, engendrés par la Révolution tranquille, le choc entre son souvenir et la réalité actuelle constitue un second décalage à même l’artiste.
Ainsi, l’artiste crée une ellipse à même l’image et sa carrière l’amène à expérimenter une ellipse culturelle.
Introscaphe I
Au tournant des années 1970, l’artiste s’est lancé dans une critique de l’univers de la technologie, de l’électronique et des communications de masse.
Au centre de la pièce, un énorme œuf blanc est couché sur le côté. Le visiteur insère de la monnaie dans la fente, pèse sur un bouton et le cocon s’ouvre en deux parties. Le visiteur s’assoit dans la base qui se referme sur un écran. L’expérience qui dure 4 minutes et demie se veut confortable et angoissante à la fois.
Comme l’Introscaphe I ne fonctionne plus, le visiteur du MAC peut visionner la vidéo en 16 mm projetée dans une autre pièce. « Il s’agit d’organiser les images de façon à toucher le spectateur qui est blindé à ces images », explique Edmund Alleyn en entrevue. À partir d’une parodie de bulletin de nouvelles, le montage mélange des images de consommation, de guerre, de pouvoir combinant des effets visuels et un son qui ne concorde pas avec l’image.
L’introscaphe I considéré comme « objet de foire » par l’artiste reproduit l’état où l’individu qui se met à l’abri se fait rattraper par le flux d’information. « Ce n’est pas la nouveauté qui m’intéresse, c’est l’intensité », répond l’artiste à un utilisateur.
Les œuvres en parallèle nous renvoient au Pop Art, si Andy Warhol s’était imbibé de vision thermique.
Quiétude
À l’instar de l’architecte Roger D’Astous, le peintre Edmund Alleyn s’est intéressé au « chalet ». Ses scènes de jour se situent près d’un lac dans un bain de lumière aveuglante et ses scènes de nuit violacées flottent dans le noir. L’emploi de la gouache rend un effet cendré qui se fixe dans la lumière et l’emploi de l’huile reflète un éclat nocturne. Il nous fait ressentir la vie ambiante de cet autre espace-temps où la nature domine, s’impose et englobe.
Le visiteur peut expérimenter la symphonie tubulaire de l’artiste Jean-Pierre Gauthier et la neige de chiffres de l’artiste Ryoji Ikeda dans les salles adjacentes. Deux expositions numériques qui permettent de faire ressortir l’aspect plastique de l’œuvre d’Edmund Alleyn.