Chloé Ouellet-Payeur
Hommage à Pearl Sydenstricker Buck (1892-1973), première femme ayant reçu un prix Nobel de littérature ainsi qu’un prix Pulitzer, Pearl s’inspire de la vie de cette écrivaine américaine qui a contribué à la création de ponts entre l’Orient et l’Occident.
Née en Virginie, aux États-Unis, Pearl S. Buck a vécu une grande partie de sa vie en Chine. Pearl est une œuvre sans paroles qualifiée de « danse-théâtre » dans le programme, bien que sa distribution ne soit composée que de danseurs. Le metteur en scène, Daniel Ezralow, est lui-même un danseur-chorégraphe ayant eu une carrière prolifique. La danse est donc le matériau principal de l’œuvre, bien que cette danse serve d’abord à illustrer un récit, comme le ferait une pièce de théâtre.
Le rôle de Pearl S. Buck est joué par cinq femmes représentant l’écrivaine à des âges différents, de l’enfant à la femme mature. Margie Gillis, magnifique danseuse montréalaise reconnue pour sa longue carrière de soliste, est artiste invitée et joue la version la plus âgée de Pearl S. Buck.
Dès l’entrée de l’enfant sur scène, je n’ai pu m’empêcher de penser au Casse-Noisette de Fernand Nault, classique du temps des fêtes au cours duquel on suit une jeune fille qui traverse différents mondes colorés et contrastés où vivent des personnages caricaturaux. Dans le cas de Pearl, la protagoniste oscille constamment entre deux mondes qui semblent s’opposer: la Chine et les États-Unis. Pleine d’enthousiasme, l’enfant découvre d’abord la culture chinoise. Elle traverse différents groupes de danseurs dont les mouvements virtuoses, fluides et harmonieux l’accueillent dans une danse. On sourit à plusieurs reprises lors des diverses interactions ludiques qui ont lieu. Si le personnage de Pearl S. Buck semble avoir été reçu chaleureusement dans le monde oriental, on comprend rapidement que l’Occident lui a été plus hostile.
Par divers procédés scéniques, les deux cultures sont constamment mises en opposition. Elles sont séparées spatialement et éclairées différemment. Les Chinois ont un éclairage chaud; les Américains ont un éclairage froid. Laissant peu de place à la complexité et aux nuances, le spectacle propose plutôt de grands contrastes illustrés par le langage du corps, soutenus par les interactions entre les interprètes, confirmés par l’éclairage, amplifiés par des projections en fond de scène, puis réaffirmés par la musique. De plus, on explique dans le programme que « le fleuve représente le flux de la vie ainsi que la barrière qui sépare l’Est et l’Ouest ». Sur scène, le fleuve est représenté physiquement: un cours d’eau traverse l’espace latéralement, au centre, de Jardin à Cour. Ainsi, la scénographie impose une césure spatiale matérialisant la séparation entre l’Orient et l’Occident, ce qui amplifie encore une fois la dualité. L’idée est ainsi trop fortement appuyée pour donner lieu à des surprises, des moments vibrants qui pourraient résonner d’une manière personnelle chez le spectateur. Cependant, cette clarté nous permet peut-être d’admirer plus simplement le travail de danseurs talentueux, virtuoses et surprenants.
Pearl raconte, dans une poésie en mouvement très illustratif, le parcours interculturel d’une grande femme dont on souhaite honorer les accomplissements. On peut y voir d’excellents danseurs qui animent l’espace scénique d’une façon très dynamique. Présentée du 14 au 18 juin au Théâtre Impérial, également connu sous le nom de Cinéma Impérial, la pièce Pearl attire l’attention sur cette magnifique salle de spectacle, site historique construit au début du XXe siècle. À l’instar du célèbre Casse-Noisette, ce spectacle à grand budget est divertissant et convient à toute la famille.