Karl Kane est de retour. Le taciturne détective privé couplé à un auteur sans véritable succès parcourt toujours les rues régulièrement ensanglantées de l’Irlande du Nord, et l’homme traverse aujourd’hui Un sale hiver.
Plus récent opus littéraire de l’auteur Sam Millar à être traduit dans la langue de Molière, ce court roman policier fait suite aux Chiens de Belfast, déjà critiqué en nos pages, mais surtout au Cannibale de Crumlin Road, sorti en 2015 mais qui semble être passé dans les interstices littéraires.
Qu’à cela ne tienne, Millar propose une intrigue relativement simple: quelqu’un découpe de vieux policiers soupçonnés d’avoir été pourris jusqu’à la moelle dans une vie antérieure, et un morceau de l’un de ces coquins – une main, pour être précis – atterrit sur le perron de notre Karl Kane mal embouché. Celui-ci se retrouve donc bien malgré lui plongé dans l’affaire sanguinolente à souhait.
En ce sens, Millar ne renie pas la philosophie primaire de son personnage. Kane n’est pas nécessairement un fin limier; oh, il est tout à fait capable de se tirer d’affaire en cas de besoin, et son intellect demeure au-dessus de la moyenne des ours. Mais ce qui fait surtout l’affaire de Kane, c’est de taper dans le tas. Habituellement jusqu’à ce que ses jointures soient rougies du sang de ses adversaires.
Un sale hiver n’est pas un grand polar, bien loin de là. L’intrigue est relativement simpliste, les dialogues ne mériteraient pas de Pullitzer, et la traduction franco-française fait encore des siennes, ce qui rebutera un tant soit peu le lecteur québécois.
Toutefois, rendons à César ce qui lui appartient: le roman est étrangement efficace. Peut-être répond-il à un besoin fondamental de violence et de brutalité gratuite? On finit par goûter ce sang qui s’infiltre partout, et c’est avec un puissant parfum métallique dans la bouche que l’on dévore le titre. Sam Millar ne fait peut-être pas dans la subtilité, mais il connaît ses limites, et sait tirer au maximum parti des atouts à sa disposition. Pas tout à fait un roman de gare, pas exactement un grand cru, Un sale hiver permettra malgré tout de passer quelques bons moments.
Un sale hiver, de Sam Millar, publié chez Seuil, 274 pages