La fin de l’Histoire avec un grand H, qu’ils disaient. Et pourtant, plus d’un quart de siècle après la chute du mur de Berlin et la mort annoncée du communisme en Europe, le documentariste et cinéaste Hugo Latulippe démontre, dans sa nouvelle exposition 25x la révolte, que cette affirmation est tout sauf véridique.
Installée au Musée de la civilisation, à Québec, dont Hugo Latulippe possède justement d’excellent souvenirs, l’oeuvre se décline en 25 tableaux, présentés sous forme de textes mais surtout en capsules vidéo. Quelles sont ces révoltes? De grands moments charnière de l’histoire politico-économico-sociale qui ont marqué les 25 dernières années, qu’il s’agisse de soulèvements politiques violents ou de revendications sociales pour obtenir davantage de droits et préserver un modèle qui craque parfois de partout.
Du massacre de la Place Tian’anmen au printemps érable, en passant par les droits autochtones et la lutte contre les changements climatiques, la salle d’exposition regorge de cris à gorge déployée, parfois même de colère devant une société qui étrangle tout un chacun en engraissant les puissants et les nantis. « Il a fallu environ deux ans de travail, mentionne Hugo Latulippe en entrevue. Les premières discussions remontent au printemps 2012, durant cette grande discussion nationale que nous avons eu sur le Québec. Une discussion que je crois assez large. D’ailleurs, certains ont voulu réduire ça à une question de frais de scolarité, mais je pense qu’il y a tellement d’idées qui ont tourné… il y avait des résonances avec les autres mouvements, avec ces 25 événements-là, il y a des liens. »
« C’est un peu la thèse de mon expo, c’est de dire qu’il y a une chaîne d’événements, depuis 1989, qui ont des liens entre eux, et qui sont l’expression d’un grand mouvement planétaire; ces mouvements se contaminent. On fait une sorte de portrait de l’époque, et moi j’essaie de tisser un fil rouge entre ces mouvements, et je dis « voici un portrait de la génération politique, de ce qui se passe dans le monde ». »
Faire justement le portrait de l’époque en mouvements sociaux et en revendications, c’est aussi faire un bilan au mieux en demi-teinte, au pire arriver à un résultat négatif. Les étudiants chinois ont été décimés en 1989, et la Chine est toujours aussi fermée à double tour aujourd’hui. La « Révolution verte » en Iran a produit un président réformiste, oui, mais une élection plus tard seulement. Quant à la Révolution orange, on assiste depuis plus d’un an à une guerre entre les pro-occidentaux et les prorusses en Ukraine, résultat direct du grand brassage idéologique de 2010. Et ne parlons pas du Printemps arabe avec ses guerres civiles, ses pays plongés dans le chaos ou ses dictateurs installés. Pas plus que du Printemps érable, aux conséquences moins funestes, mais qui n’aura donné, pour l’instant, qu’une année et demi de gouvernement péquiste avant de ramener les libéraux par la grande porte.
À cela, Hugo Latulippe rétorque les progrès sont longs à venir, mais qu’avec chaque mouvement vient une étincelle de plus pour alimenter le grand brasier de la transformation sociale planétaire. Et puis, personne n’a jamais dit que changer le monde serait facile…
Malgré tout, on sent une véritable volonté de transformation de la part du documentariste, qui présente une vingtaine de capsules vidéo de quelques minutes chacune pour expliquer la majorité des grands événements de l’exposition. Des déclarations sincères de la part d’acteurs ayant participé de près ou de loin à ces chambardements. Le seul hic? Chacun des événements mentionnés dans 25x la révolte aurait mérité plusieurs heures de documentaire, mais comme il était impossible d’offrir tant de contenu d’un coup, l’exposition servira de lieu de réflexion, plutôt que de lieu d’apprentissage.
25x la révolte, présenté au Musée de la civilisation de Québec jusqu’au 12 mars 2017.