Des humains seraient arrivés en Floride il y a au moins 14 500 ans. Les mastodontes qui occupaient le territoire n’ont apparemment pas apprécié.
Ce que les archéologues sous-marins ont présenté vendredi dans la revue Science Advances, ce sont suffisamment d’os d’animaux et d’outils de pierre pour donner corps à la théorie voulant que les humains se soient répandus sur le territoire nord-américain un millier d’années plus tôt que certains ne voulaient l’admettre. Plus précisément, plus tôt que ne voulaient l’admettre les défenseurs de la « théorie de Clovis », dont cette découverte en Floride met peut-être le dernier clou dans le cercueil.
Clovis est une ville du Nouveau-Mexique où ont été découverts dans les années 1920 et 1930 des outils de pierre vieux d’environ 13 000 ans. C’était la plus ancienne trace d’occupation humaine des Amériques, ce qui a donné le nom de « culture de Clovis » à ce qu’on a très longtemps décrit comme étant le point de départ de toutes les cultures amérindiennes anciennes. La datation collait de plus à l’époque où il aurait été possible à des habitants de la Sibérie de traverser à pied vers l’Alaska.
Sauf qu’au cours des deux dernières décennies, les artefacts laissant croire à des occupations plus anciennes — 14 ou 15 000 ans — se sont accumulés, comme le site de Monte Verde, au Chili, à des milliers de kilomètres de là, obligeant de plus en plus d’archéologues à remettre en question le modèle d’une migration unique, au profit de deux ou trois migrations distinctes, voire plus.
Pour la plupart de ceux qui ont commenté la découverte floridienne depuis vendredi, celle-ci semble donc clore le débat. Mieux, pour l’archéologue David Madsen, de l’Université du Texas à Austin, « à présent que la théorie de la culture Clovis a été largement réfutée », il serait possible de réexaminer d’autres sites nord-américains qui donnaient eux aussi des dates plus anciennes que Clovis, mais avaient été écartés à l’époque par les archéologues les plus influents.
Ce que les archéologues ont fouillé dans le nord de la Floride, c’est une crevasse remplie d’eau, au fond de la rivière Aucilla. La défense de mastodonte — un cousin disparu de l’éléphant — dont il est question dans leur article avait été découverte lors de fouilles au même endroit remontant aux années 1990. On présume qu’il y a 14 000 ans, alors que le niveau des mers était de quelques dizaines de mètres plus bas (l’ère glaciaire n’était pas encore terminée) cette crevasse sous-marine était un simple trou d’eau — peut-être un endroit où les animaux venaient boire. Parmi les six outils de pierre (des bifaces, pour les intimes), l’un était encore recouvert de matière organique, comme s’il avait servi à découper de la viande. Ce qui a permis la datation au radiocarbone.
Quant au mastodonte, les experts continuent de se demander s’il est disparu du continent nord-américain à cause de l’arrivée des humains, de la fin de l’ère glaciaire ou d’un mélange des deux. Chose certaine, la défense de celui-ci portait des marques d’outils de pierre, caractéristiques d’un détachement du crâne par des chasseurs. Peut-être, spéculent le paléontologue Daniel Fisher et ses collègues dans Science Advances, pour accéder aux « 7 kilos de tissus nutritifs » contenus à l’intérieur.