Un ouvrier au chômage prend un emploi de gardien de sécurité dans un magasin à grande surface. Le cinéaste Stéphane Brizé rend la gravité de cette réalité avec son film La loi du marché (2015) pour lequel Vincent Lindon (La moustache (2005), Chaos (2001)) a reçu le Prix d’interprétation à Cannes l’année passée.
Le cinéaste ne fait pas que raconter l’histoire d’un homme ordinaire qui perd son emploi, a des problèmes financiers et finit par trouver un autre emploi. Le film commence pendant la recherche d’emploi et se termine après la période de probation à son nouveau poste. Le cinéaste ne cherche pas non plus à rendre justice à son personnage. La scène déroutante où il renonce à participer au recours collectif contre son ancien employeur le confirme.
Le drame social prend tout son sens par l’utilisation de la technique cinématographique. Les plans de caméra rapprochés pressent les personnages. Le cadre serré installe un climat de tension. Le spectateur devient le témoin d’échanges mettant en péril la vie du héros et de sa famille.
Placé dans la case du travailleur anonyme, le père de famille doit affronter une succession d’étapes lors de sa recherche d’emploi. Le héros donne « le maximum » à chaque étape, mais ce n’est jamais assez. Il plafonne au bureau d’aide à l’emploi, à la banque, à sa maison mobile qu’il se résigne à vendre, etc.
Le héros se débat avec un système qui se resserre sur lui. Le dénouement du film se tisse à mesure que la situation précaire se démarque. Par contre, il y a toujours une option insoupçonnée qui lui permet de continuer sans jamais remettre le problème, qui pèse sur sa conscience, en question.
Après une simulation d’entrevue lors d’un atelier d’aide à l’emploi, les autres participants analysent en groupe sa « performance » filmée sans peser leurs mots. À ce moment, le film chavire. La case du travailleur anonyme entérine son candidat. L’ouvrier de chantier se recycle en surveillant de grand magasin.
Ici se conjugue la technique de la caméra et la succession des étapes du parcours du héros. La longue scène où son collègue lui montre comment surveiller les clients dans les rayons du magasin en utilisant les caméras de surveillances confirme qu’il est passé à un autre niveau.
Moins-value
L’option insoupçonnée qui surgit après avoir passé en revue toutes les possibilités met le système en perspective. En série, cette option échange la survie du travailleur contre sa dépendance à un système inhumain, qu’il ne peut comprendre par la raison ou par la régularité.
Avec des approches différentes, l’enjeu systémique a été porté à l’écran avec Ressources humaines (1999) de Laurent Cantet, L’âge des ténèbres (2007) de Denys Arcand, Contre toute espérance (2007) de Bernard Émond, Deux jours, une nuit (2014) des frères Dardenne, Les nouveaux sauvages (2014) de Damián Szifrón.
Les fermetures de La Boîte noire et du Cinéma Excentris représentent autre chose que de priver les cinéphiles des fruits de leur passion.