Après Papa à la chasse aux lagopèdes (2008) à travers lequel le héros raconte à ses enfants comment il fuit le fisc, le cinéaste Robert Morin nous introduit dans la dimension éthique des paradis fiscaux avec Un paradis pour tous (2016) d’une manière clownesque « trash ».
Le personnage central joué par Stéphane Crête se surnomme Buster. Au départ, cet enquêteur du fisc est rétrogradé parce qu’il était sur le point de démanteler la fraude de quelqu’un d’important. L’irréprochable Buster décide de quitter son emploi, mais de garder l’enveloppe remplie d’argent de ce donateur important. Il veut investir cet argent dans un paradis fiscal ayant la caméra pour témoin, l’aventure commence !
À mesure où il s’enfonce dans l’illégalité, Stéphane Crête multiplie ses visages en incarnant tous les personnages qui prennent par à la transaction. Il part dans l’Ouest, en Alberta, investir dans un REER. Il se rend à Genève pour faire un placement. Puis, il transporte de l’argent comptant dans les Caraïbes. On pourrait qualifier le film de docu-fiction puisque Buster vulgarise bien la matière et ses rencontres fortuites, issues des méandres de sa conscience, viennent compléter le propos.
Au milieu du film, Buster énonce à la caméra une réflexion sur l’honnêteté et la malhonnêteté qui rappelle la réflexion de Martin Luther sur le libre arbitre de l’Église en 1520. La vente d’indulgences par l’Église est similaire au dépôt d’argent dans les paradis fiscaux aujourd’hui, de sorte qu’on échange une quantité d’argent contre un idéal. Le problème demeure que l’argent investi dans cet idéal en prive le monde des mortels qui en a besoin ici, maintenant.
Si la sœur du roi d’Espagne, l’infante Pilar de Borbón se fait prendre dans l’affaire des Panama Papers démontre que la monarchie est soumise à la justice de l’État moderne, la nomination de l’ancien premier ministre du Luxembourg pendant le scandale LuxLeaks, Jean-Claude Juncker au poste de président de la Commission européenne nous amène à penser que les États modernes sont contraints à une autre justice à l’intérieur d’un ensemble.
Cette ambiguïté on la retrouve tout aussi bien à Londres. La Cité qui se trouve au centre de la capitale de l’Angleterre est régit par une législation non seulement différente, mais qui date d’une époque antérieure. Bien que Buster tente d’éclaircir les « flous » qu’il prend la peine de souligner lorsqu’ils apparaissent dans ses échanges, le film n’inscrit pas le sujet d’actualité dans une perspective historique.
On nous fait réfléchir, cependant.
Superproduction
Malgré son petit budget, le film possède tous les éléments d’un James Bond. Le héros est un espion atypique qui se donne une mission à la limite de la légalité. Il se déplace sur le globe et utilise son charme pour arriver à ses fins. Son enfance trouble le hante. On a droit à une poursuite armée et à des effets spéciaux.
Le cinéaste a su mettre en place une ambiance d’une intensité remarquable durant la scène de la révélation du secret bancaire suisse.