Plagiat ou deuxième vie? Le débat est lancé, mais cette farandole d’inventivités techniques épate à l’usure cette redite qui finit par manquer cruellement de souffle tout comme de fraîcheur.
Près d’un demi-siècle depuis la version cinématographique la plus connue de l’histoire de Rudyard Kipling, Disney délaisse l’animation pour transformer The Jungle Book en un festin visuel réaliste, avec comme seul hic de ne mettre en scène aucun véritable animal. Le choix peut certainement choquer et on admet que le contraire aurait été un véritable casse-tête pour les artisans et les créateurs, mais si la technique est particulièrement impressionnante, on doit aussi avouer qu’au fil du film, on finit par s’ennuyer de ce petit je-ne-sais-quoi qui rend les êtres « vivants » aussi attachants et irremplaçables. Puisque n’en déplaise aux avancées technologiques qui ébahiront sans conteste les plus petits et les plus grands, on finit, dans les mouvements surtout, par ne pas s’adapter à ces déplacements par moment quelque peu trop calculés.
Pour le reste, difficile de se laisser véritablement emporter tant le scénario finit par s’abandonner à lui-même et que les enjeux s’avèrent aussi limités et simplistes. Comme quoi on a gardé tout intact, des personnages aux situations jusqu’aux chansons, heureusement, qu’on nous ramène en tête avec un bonheur qu’on pourrait difficilement cacher.
Que vous l’ayez oublié ou non, il ne suffira que du refrain pour ravoir en mémoire tout le charme de l’excellente The Bare Necessities, qui avait d’ailleurs été sélectionnée pour un Oscar à l’époque. Puisqu’on pourra dire ce qu’on voudra de Disney, mais bien avant Let It Go, ils ont toujours eu le don pour mettre des chansons mémorables dans leurs productions et la touche jazzée qui créait l’essence disparate de The Jungle Book, déjà bien ancré dans la fantaisie en mélangeant jungle et forêt de par son mélange impossible de faune animale, était en grande partie responsable de son grand succès. Entendre Christopher Walken pousser la note sur I Wanna be Like You deviendra certainement l’un des moments préférés de ceux qui verront le film, comme c’était le cas à l’époque lorsque le grand Louis Prima s’était approprié la pièce.
D’ailleurs, la distribution vocale est l’une des grandes réussites du film. Si l’on regrette que Scarlett Johansson dans son rôle féminisé du serpent Kaa, jusqu’à présent toujours personnifié par un homme, soit au final autant accessoire à défaut de donner droit à un flashback nécessaire à l’avancement du récit, on apprécie les présences chaleureuses des nombreux Ben Kingsley, Lupita Nyong’o et autres Giancarlo Esposito. Toutefois, la palme est sans conteste remise au toujours aussi génial Bill Murray, tout simplement parfait dans le rôle de l’ours Baloo, volant la vedette dans chacune de ses apparitions.
Pour ce qui est du nouveau venu Neel Sethi, il a une certaine présence, mais, à défaut de ramener de l’avant les tics familiers de Mowgli, il finit par taper sur les nerfs et on se met à se demander jusqu’à quel point on a envie de le suivre dans ses ennuis.
Enfin, habitué par un cinéma du fantasme, Jon Favreau le cinéaste est capable du meilleur comme du pire comme il nous l’a prouvé à de nombreuses reprises, et, s’il se permet encore de nous faire rêver à plus d’un moment, il n’a peut-être pas l’aisance nécessaire pour que sa mise en scène soit à la hauteur du début jusqu’à la toute fin du long-métrage. On appréciera néanmoins son introduction, sublime, qui à égalité avec son épilogue et son irrésistible générique, s’avérera d’une certaine façon la trouvaille la plus marquante du film. Puisqu’avec audace on transposera avec exactitude l’essence même du film, en passant de l’animation au réel et du réel au roman, démontrant toutes les phases et toutes les sources parmi lesquels cette simple création est après tout passée.
Pour le reste, il suffira de voir à quel point les gens ont envie de voir ou de revoir leur passé, d’une certaine façon remodelé. De toute façon c’est ce qui nous attend et nous guette alors que toute notre enfance est en train d’avoir peu à peu droit à ce traitement aux limites discutables.
6/10
The Jungle Book prend l’affiche en salles ce vendredi 15 avril.