Concert aux ambitions astronomiques, mardi soir à la Maison symphonique, puisque l’Orchestre symphonique de Montréal présentait Les planètes de Gustav Holst. Concert, aussi, où la chef assistante de l’OSM aura eu l’occasion de sortir de la très grande ombre de Kent Nagano.
En raison d’un changement de dernière minute, Dina Gilbert a ainsi pris pied sur la grande scène de l’institution musicale montréalaise. Pas pour la première fois, certes, et espérons également que ce ne sera pas la dernière. Ne serait-ce que parce que cela fait du bien d’alterner avec des chefs masculins… ou est-ce parce qu’elle est une « fille bien de chez nous »?
Quoi qu’il en soit, avant la pièce de résistance post-entracte, comme il se doit, l’OSM avait programmé trois courtes pièces aux sonorités pouvant être qualifiées de « spatiales », ainsi que le Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar, pour lequel on avait invité le violoncelliste Jan Vogler.
Ah, il fallait le voir aller, ce Monsieur Vogler, un grand gaillard à la chevelure impressionnante, scintillant sur scène… ou était-ce uniquement en raison de la doublure de son veston?
Mais au-delà de ce concerto somme toute fort correct, mais sans l’aspect inoubliable qui permet à l’oeuvre de se graver dans la mémoire, il y avait ces Planètes de Holst. Et le choix de cette oeuvre (très) grand public par la direction musicale de l’OSM soulève la question de l’accessibilité de la musique. Bien entendu, lorsque Holst a lancé un pavé dans la mare en écrivant cette… cette série de saynètes musicales? Bref, lorsque Holst a fait jouer sa création devant public pour la première fois, nous étions en 1920, au sortir de la Première Guerre mondiale, et ce type de musique classique était pour ainsi dire inconnu.
Environ un siècle plus tard, ces mêmes Planètes ont servi d’inspiration à tellement de films, de séries télévisées et de jeux vidéo que l’on connaît pratiquement toute l’oeuvre sans même le savoir. Déjà, à l’écoute de la première partie, Mars, la ressemblance avec la bande sonore de La guerre des étoiles saute aux yeux. Une petite recherche en ligne révèle que Holst n’est pas le seul compositeur à avoir fortement inspiré John Williams, mais l’influence du maître britannique est indéniable.
Idem pour Jupiter, dont les mesures se retrouvent partout, sur toutes les sortes d’écrans. Oui, la musique de Holst est intéressante et agréable, voire même intrigante lorsque l’on cache les choristes en coulisses pour conclure avec Neptune et ses rythmes sépulcraux. Mais est-elle intéressante parce qu’elle est si populaire? Et ce n’est pas une question de reconnaître un morceau parce qu’il a été employé tel quel dans une autre oeuvre culturelle, mais bien d’écouter l’oeuvre primaire, la matière première à partir de laquelle sont crées toutes sortes de bandes sonores. Un peu comme il est impossible de juger, aujourd’hui, des qualités du roman Dracula, de Bram Stoker, sans être influencé par tout ce qui a suivi, caractériser les qualités et les défauts des Planètes de Holst en mettant de côté un intérêt marqué pour la musique de La guerre des étoiles, par exemple, relève de l’utopie.
Et donc, cela ramène le mélomane à la case départ. Programme-t-on certains morceaux parce qu’ils sont intrinsèquement bons, ou parce que l’on sait que le public est « conditionné » à aimer ces morceaux parce qu’ils les ont entendus encore et encore?
Mais bon, ces questionnements mis à part, l’OSM était fidèle à lui-même: efficace, direct, L’exemple type du bon moment passé au concert. Et cela tombe bien, puisque le programme est de nouveau donné mercredi soir.