Alors que la réalité virtuelle prend peu à peu d’assaut notre 21e siècle, Hardcore Henry a envie de révolutionner le cinéma et d’offrir une proposition qui ne manque certainement pas d’audace. Dommage, toutefois, que ses tours de passe-passe soient tous sauf suffisants pour impressionner, lassant plus rapidement qu’autrement son spectateur au lieu de l’emplir d’énergie.
À l’instar du Birdman de Innarritu, qui piétinait lui-même des plates-bandes lointaines, dont celles du Rope de Hitchcock, Hardcore Henry a une idée d’immersion qui va au-delà du simple regard du spectateur et décide d’utiliser la caméra comme regard unique. Le protagoniste n’existe donc plus physiquement, mais devient l’avatar du spectateur qui se retrouve aux premières loges. Oui, voici venu le premier film d’action filmé entièrement du point de vue du personnage.
Et pour cela, félicitons la réussite où elle se trouve, puisqu’il faut admettre que certaines séquences sont particulièrement époustouflantes et que l’enchaînement des fusillades a droit à des chorégraphies de haute voltige. Toutefois, cette étourdissante proposition vient vite lasser puisqu’au-delà des maux de cœur et des maux de tête qu’elle procure, il ne reste plus grand-chose sous la surface.
Comme quoi, sous ses airs de jeu vidéo en first-person shooting (certaines séquences dépeignent à la perfection l’ambiance et le suspense à devoir constamment être sur ses gardes, puisqu’on ne sait jamais quand et où un ennemi peut surgir), on se retrouve face à un jeu dont on n’a pas le contrôle et qui met en scène un scénario lamentable. Simpliste, on tente de reprendre le canevas de The Raid : Redemption avec ses quelques minutes de drame et son ouragan d’action, mais ici, on ne se contente pas de simplicité, on se contente de pas mal n’importe quoi qui finit par ne plus faire de sens au point d’en être découragé si ce n’est complètement désintéressé.
Certes, il y a bien un gore omniprésent qui fait sourire et un humour noir qui peut à la limite décrocher quelques plaisirs, mais le méchant est complètement insipide, tout comme ses pouvoirs paranormaux sortis de nulle part. De plus, il devient difficile d’apprécier visuellement le long, beaucoup trop long long-métrage tellement il est inintéressant pour le regard. De fait, dénué d’images de qualité haute définition, dans un mouvement constant qui n’a aucun contrôle, on a l’impression que le film a été fait pour un spectateur lui-même constamment en mouvement qui écouterait ledit film sur ses appareils portables, donc, sur de petits écrans qui diminueraient de beaucoup les défauts (trop) apparents.
Pour le reste, on aurait pris davantage de Tim Roth et beaucoup moins de Sharlto Copley qui cabotine bêtement dans un jouissif personnage qui s’inscrit très bien dans l’esprit de jeu vidéo du film.
Enfin, Hardcore Henry a un grand désir de révolution et peut-être changera-t-il certaines choses, mais disons qu’en termes de films d’action, on est loin d’être face à un Mad Max: Fury Road. On appréciera donc ce premier effort de Ilya Naishuller comme d’un bon pas en avant pour surprendre et étonner, et on croisera grandement les doigts pour qu’au-delà de ses fantasmes techniques, il prenne également le temps de développer avec plus de soin sa trame narrative, puisque si celle-ci peut toujours être secondaire, il y a certainement des limites au laisser-aller.
5/10
Hardcore Henry ou Hostile en version française prend l’affiche ce vendredi 8 avril.