Le problème avec ce film sur Lance Armstrong, le cycliste déshonoré, au-delà de mettre en images un personnage particulièrement désagréable, est d’avoir de la difficulté d’avaler la supercherie qui se trame sous nos yeux, non seulement de la part de l’histoire pratiquement trop incroyable pour être vraie, mais aussi de l’absence de personnalité du film qui essaie d’imiter avec trop peu de succès des méthodes qui ne veulent tout simplement pas fonctionner.
Comme quoi ce sympathique biopic a certainement des éléments intéressants, mais étrangement, en termes d’ensemble, ça ne pourrait pas plus mal fonctionner. Et le talent dans ce projet, ce n’est définitivement pas ce qui manque alors que son cinéaste, Stephen Frears, a largement fait ses preuves à de nombreuses reprises par le passé. Toutefois, il n’a pas fait que des succès, poussant son désir à toujours multiplier ses divers essais dans des territoires pas toujours convaincants. Si dans le cas qui nous intéresse il se réapproprie à nouveau un fait vécu, comme il l’a fait si souvent, et qu’il essaie d’encore jouer la carte des amitiés inattendues, comme Philomena et The Queen le faisaient d’ailleurs, il tente également de se sortir de ses sentiers battus en adaptant un style qui ne lui ressemble pas.
Ainsi, en faisant dans la surenchère du montage et des différents types de plans, en dynamisant son film et en lui donnant un côté très moderne, on retrouve bien peu d’authenticité et encore plus difficilement le cinéaste dans son œuvre. Comme quoi on doit peut-être s’interroger sur l’apport du scénariste écossais John Hodge, qui semble ici avoir imposé un style qui évoque sans mal tout le sensationnalisme technique de Danny Boyle, son partenaire habituel.
En priorisant l’humour et l’anecdotique, on traverse les époques sans nécessairement dépeindre une certaine profondeur ni véritablement comprendre le personnage campé avec intensité par un Ben Foster en pleine possession de ses moyens. Plus nuancé que Tobey Maguire dans sa tentative d’aborder la folie de Bobby Fischer dans le faible Pawn Sacrifice, on se frotte à la mégalomanie et la quête de gloire et de pouvoir en y voyant l’ascension et la chute d’un monstre. Bien sûr, un angle plus axé sur le suspense ou même sur l’horreur, de par cette drôle de relation qui se tisse entre le savant et sa créature (le médecin Michele Ferrari interprété par un Guillaume Canet caricatural avec un accent aux limites du supportable), aurait amené une approche des plus fascinantes, mais on a préféré rester dans des eaux connus.
En reste alors un film biographique qui étale des faits, mélange d’intéressantes images d’archives et mêle un symbolisme douteux (ah cette fin aux images métaphoriques nauséabondes, soit tomber pour mieux remonter la pente) à une distribution de talent. Jesse Plemons continue d’habilement tirer son épingle du jeu face à des poids lourds tel Dustin Hoffman, Lee Pace et un toujours surprenant Chris O’Dowd dans un demi-contre-emploi, pendant que les délicates mélodies de Alex Heffe viennent prendre la relève de Alexandre Desplat en lui copiant la majorité de ses tiques un à un.
The Program assemble ainsi une panoplie de bonnes idées qui ne vont jamais jusqu’au bout. Entre ce débat journalistique, cette quête de gloire, ce dilemme mensonger et j’en passe, le long-métrage se contente de faire au lieu de se dépasser, en voulant copier au lieu d’interpréter. Lance Armstrong voyait grand, il n’avait simplement pas les bonnes démarches pour atteindre son but. On pourrait facilement en dire de même du film.
6/10
The Program prend l’affiche en salles ce vendredi 18 mars.