Largement occulté par l’important coup de filet de l’Unité permanente anti-corruption (UPAC), qui a entre autres mis la main au collet de l’ex-vice-première ministre libérale Nathalie Normandeau et d’anciens dirigeants de la firme d’ingénierie Roche, le nouveau budget du gouvernement libéral n’en a pas pour le moins suscité du mécontentement.
Dans une série de déclarations transmises par voie de communiqué, des représentants des secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation ont ainsi dénoncé qui du surplace financier, qui un réinvestissement trop timide pour effacer les impacts de deux ans de mesures d’austérité.
La Fédération québécois des directions d’établissement d’enseignement (FQDE) ouvre le bal en accueillant favorablement le nouveau plan budgétaire du gouvernement Couillard, tout en estimant que « les compressions de plus d’un milliard de dollars des dernières années ont engendré de réelles conséquences dans nos milieux. L’investissement doit se poursuivre, s’intensifier, mais surtout, arriver directement dans les écoles afin que tous les élèves bénéficient des services dont ils ont besoin, et ce, dans un environnement scolaire sain et sécuritaire ».
Aux yeux de la présidente de la Fédération Lorraine Normand-Charbonneau, « le réinvestissement mis de l’avant par le gouvernement n’aura de sens que si, et seulement si, les budgets relatifs à la réussite et au bien-être des élèves sont également décentralisés. Les directions d’établissement d’enseignement que représente la FQDE souhaitent recevoir une enveloppe budgétaire globale et avoir la latitude de déterminer avec l’équipe-école et le conseil d’établissement la manière dont l’argent doit être utilisé ». La pierre est donc lancée, par la bande, contre la « culture organisationnelle » de certaines commissions scolaires. Ces instances décisionnelles ont d’ailleurs été vivement attaquées par l’ancien ministre de l’Éducation, François Blais, pour qui le très faible taux de participation aux dernières élections scolaires représentait un appel à l’élimination, ou au moins à la disparition de cette forme de démocratie directe.
« Pour nous, l’amélioration du système d’éducation passe inévitablement par une gestion collaborative et par un réel soutien des commissions scolaires aux écoles. Il est essentiel de revoir nos façons de faire et ainsi permettre aux écoles d’avoir la latitude, les moyens et la capacité de prendre les meilleures décisions qui répondent aux besoins de chacun des élèves », conclut Mme Normand-Charbonneau.
Services sociaux exsangues
Du côté des organismes communautaires en santé et services sociaux, on crie famine. Au dire de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB), « ni l’enveloppe du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC), ni l’ensemble des choix budgétaires du gouvernement libéral ne permettront de répondre aux besoins de la population ». Les dispositions budgétaires annoncées jeudi prévoient normalement une hausse des dépenses en santé de l’ordre de 2%, pour un total d’environ 38,4 milliards $.
« Selon les documents du Conseil du Trésor, les subventions attribuées aux organismes communautaires avaient cru de 1,36% en 2015-2016, pour atteindre 530,8 M$. Or, le gouvernement prévoit faire encore moins que ce qui était déjà insuffisant, puisqu’il annonce aujourd’hui un maigre 1,2% d’augmentation », déplore le regroupement par voie de communiqué.
« Cela veut dire que, à court et à long terme, le gouvernement ne propose aucune solution aux groupes qui en arrachent depuis trop longtemps. À peine recevront-ils l’indexation annuelle de leurs subventions », mentionne Mercédez Roberge, de la TRPOCB.
« Le gouvernement peut bien nous dire qu’il reconnaît la valeur de notre travail, les choix budgétaires qu’il fait nous indiquent le contraire. Les groupes seront encore dans la précarité; le tiers des groupes ne disposeront toujours pas d’une subvention permettant de louer un local et d’embaucher ne serait-ce qu’une personne », martèle de son côté Hugo Valiquette, de la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires.
« Depuis son arrivée en poste, la ministre Lucie Charlebois, déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, affirme être la meilleure alliée des organismes communautaires. Le moins qu’on puisse dire c’est que nous attendons toujours qu’elle le démontre. En ne convainquant pas son collègue du ministère des Finances d’augmenter le budget global du PSOC, elle condamne des organismes communautaires à couper des activités et des postes et à fermer l’été. La situation est devenue insoutenable », relance Mme Roberge.
Le compteur tourne
De l’autre côté du spectre politique, l’Institut économique de Montréal (IEDM) a procédé au traditionnel ajustement de son « compteur de la dette », et mentionne que « les chiffres que celui-ci affiche devraient préoccuper au plus haut point les citoyens et le gouvernement en place ».
L’IEDM estime que la dette atteint aujourd’hui les 276 milliards $, et que le montant continuera de croître de 7,1 milliards $ d’ici au 31 mars 2017, l’équivalent de 224 $ par seconde.
Cette hausse marquée de l’endettement public survient en dépit du fait que le gouvernement annonce avoir atteint l’équilibre budgétaire. « Cela montre que déficit zéro n’égale pas endettement zéro », souligne Youri Chassin, directeur de la recherche à l’IEDM.
« L’endettement du gouvernement devrait susciter une profonde inquiétude chez les citoyens québécois, qui devront un jour ou l’autre payer cette dette avec des taxes et impôts additionnels », rappelle Michel Kelly-Gagnon, président et directeur général de l’IEDM. « Et comme le fardeau fiscal des travailleurs est déjà très élevé, la solution passe par une réduction des dépenses publiques. Un certain effort a été fait à cet égard, mais ce niveau d’endettement montre qu’un véritable coup de barre est nécessaire. »