Des explosions! Un grappin! Encore des explosions! La très populaire série Just Cause est de retour avec un troisième volet toujours plus ambitieux, toujours plus vaste, et surtout toujours plus chargé d’effets de particules qui volent dans tous les sens.
Développé par Avalanche Studios et publié par Square Enix, Just Cause 3 est un jeu d’action et d’aventure de type « monde ouvert ». Tout comme dans les précédentes itérations de la série, le joueur incarne Rico Rodriguez, un révolutionnaire à la constitution d’acier et au teint basané, toujours prêt à en découdre avec les autorités. Surtout si celles-ci découlent d’un pouvoir centrale dictatorial. Cette fois, le lieu de naissance de Rico, l’atoll méditerranéen fictif de Medici, est entre les griffes d’un despote, le général Di Ravello.
Aux côtés des rebelles, et disposant d’une impressionnante liste d’armes et de véhicules, Rico devra donc oeuvrer à la chute du dangereux régime. Comment? En faisant tout exploser, pardi! À l’arme automatique, au C4, ou, de préférence, au lance-missile, la reconquête de l’archipel passe par la destruction des monuments, installations et bâtiments arborant les couleurs du dictateur. L’idée consiste donc à aller de village en village en affrontant les forces ennemies, histoire de prendre le contrôle des diverses provinces du pays. Petit à petit, il sera possible de débloquer des armes, des véhicules et des accessoires permettant de faire face à une opposition toujours plus musclée. Certaines missions préprogrammées feront aussi avancer l' »histoire », en imposant des objectifs précis. On compte également bon nombre de missions supplémentaires, qu’il s’agisse d’ennemis à tuer en un temps limite, de véhicules à voler, d’un circuit à parcourir en avion, etc.
À mi-chemin entre le sérieux relatif d’un Grand Theft Auto et la folie assumée d’un Saints Row, la série Just Cause avait frappé fort avec son deuxième volet, suite à une première itération qui avait connu un succès correct. L’introduction du grappin, en apparence anodin, avait largement contribué à la renommée de Just Cause 2. L’objet permet de s’accrocher aux bâtiments, aux objets, voire aux ennemis et à leur véhicule, mais aussi de couvrir du terrain en un temps record. Idem pour l’aile porteuse. Les joueurs en voulaient plus pour la suite, et les développeurs ont répondu: le grappin offre maintenant la possibilité d’attacher deux points ensemble et de les rapprocher au besoin, pour provoquer des explosions ou d’autres conséquences fâcheuses.
L’engin graphique a aussi eu droit à un coup de jeune, et le résultat est époustouflant, surtout lorsque vient le temps de tout faire péter. Ah, ces explosions… le public veut de l’action, des boules de feu et des débris qui retombent un peu partout? Hé bien, le public aura tout ça! Et on en redemande.
Le hic, c’est que Just Cause 3 est un exemple typique d’un jeu favorisant le développement de sentiments contradictoires. D’un côté, vider son chargeur sur plusieurs ennemis, ou, mieux encore, enchaîner les explosions pour venir à bout d’une base adverse est quelque chose de fondamentalement satisfaisant. Encore mieux lorsqu’il est possible de s’emparer d’un char d’assaut, d’en expulser le conducteur et d’écraser impunément toute résistance.
De l’autre côté, c’est à peu près tout ce qu’il y a dans le jeu. Oui, bien sûr, il y a les missions supplémentaires, et le jeu devient graduellement plus difficile, mais si l’on décide de s’égailler dans les vertes collines et d’aller prendre le contrôle de diverses villes en évitant la quête principale, force est de constater que les étapes à suivre s’avéreront rapidement redondante. Le problème n’est pas unique à Just Cause 3: tous les récents jeux de type monde ouvert souffrent ironiquement de cette trop grande liberté de choix. Dans des jeux comme Skyrim, toutefois (ou n’importe quel jeu offrant une progression pour son personnage, et non pas seulement des armes, véhicules ou accessoires supplémentaires), ce vide est amoindri par la perspective d’explorer diverses facettes d’un univers en multipliant les quêtes. Dans le monde visuellement fantastique de Medici, les gens doivent se coucher tôt le soir…
Il se peut que la progression effectuée en vue de cette critique n’ait pas été suffisante pour parvenir aux « bons » moments du jeu. Les explosifs doublés de fusées servant à produire quantité d’images gif à saveur humoristique sur le web n’ont entre autres pas encore été débloqués. Mais s’il est nécessaire d’investir plus de 10 heures dans un jeu pour en retirer un plaisir ne se transformant pas en frustration, il y a quelque chose de pourri à Medici.
La tête dans les étoiles
Just Cause 3 s’étant fait connaître depuis son lancement, en décembre dernier, voilà que les développeurs lancent Sky Fortress, un contenu téléchargeable comprenant un gigantesque vaisseau aérien, de nouveaux ennemis robotisés, des missions supplémentaires et, surtout, une version revampée de l’aile portante. Celle-ci est maintenant équipée d’un moteur permettant de prendre de l’altitude, ainsi que d’un lance-missile et d’une mitrailleuse aux munitions illimitées.
L’idée a du bon, et on sent une très forte inspiration de la part des vaisseaux représentés dans le premier Avengers et Captain America: The Winter Soldier. Les combats contre les drones et les nouveaux soldats, plus résistants et mieux armés, offrent un défi supplémentaire aux joueurs qui seraient déjà blasés de leur séjour à Medici. L’inconvénient de cette nouvelle « région » à libérer, c’est que ce vaisseau, surnommé Eden, se trouve bien entendu en altitude, et qu’il faudra s’y rendre avec la nouvelle aile porteuse. Aile qui se contrôle de façon horriblement difficile avec un clavier et une souris. Jusque-là, on pouvait excuser les imprécisions du jeu, le viseur des armes ayant tendance à contrer les mouvements de la souris en « accrochant » les ennemis pour mieux les abattre, et l’étrange absence de sensibilité sur les tourelles des chars et autres véhicules blindés.
Et oui, l’aile volante est facile à diriger lorsqu’il s’agit de se diriger en ligne droite, avec un petit coup de moteur de temps en temps pour conserver son altitude. Suffit de devoir effectuer des manoeuvres un tant soit peu compliquées, et voilà que l’envie nous prend d’asséner une taloche majestueuse en arrière de la tête des gens chargés de porter le titre des consoles au PC. Car voilà ce qu’il faudrait pour passer ce contenu supplémentaire à Just Cause 3: une manette se branchant dans l’ordinateur. Chose qui est fort probablement possible, mais un jeu de tir contrôlé par manette donne toujours une impression de flou. Ou de trop grande facilité, allez savoir.
Bref, Sky Fortress hérite à peine de la note de passage, et cela parce que l’environnement futuriste est accrocheur. Pour le reste, on finira par enfoncer les touches Alt et F4 après s’être fait trouer comme une passoire pour la 10e fois de suite.
En fait, Sky Fortress est à l’image du jeu principal: intéressant sur papier, et les choses se gâtent lorsque vient le temps de mettre le tout en pratique.
Si l’on veut faire un jeu sérieux, qu’on ajoute une trame narrative plus complexe qui oblige à faire autre chose que de provoquer des explosions. Et si l’on veut plutôt tout faire sauter, la mitraillette dans une main et le verre de scotch dans l’autre, comme dans l’écran d’accueil, qu’on cesse de nous offrir un monde magnifique mais vide. Car en ce moment, Just Cause 3 a le cul entre deux chaises. Et ce ne sont pas des explosions ou des gifs d’explosions qui sauveront la mise.