L’univers post-apocalyptique est à la fois sous et sur-exploité, et à plus forte raison lorsqu’il est question de survie après une guerre nucléaire, que ce soit au cinéma ou dans des livres. Dans Silo, toutefois, l’auteur Hugh Howey évite la plupart des écueils traditionnels du style pour produire un roman prenant et captivant.
L’idée est connue, et revient périodiquement dans diverses oeuvres culturelles: la Terre est détruite, et les survivants s’entassent dans un endroit clos, idéal pour recréer la lutte des classes et les conflits entre privilégiés et opprimés, histoire de faire ressortir ce qu’il y a de pire dans l’humanité.
De fait, Howey introduit effectivement, avec son éponyme silo, une société stratifiée où les travailleurs manuels se retrouve dans les étages inférieurs, tandis qu’une certaine élite se rapproche davantage d’une surface toujours balayée par les vents toxiques. Mais est-ce vraiment le cas? D’antiques caméras vidéo montrent un paysage désolé, et toutes les personnes ayant souhaité sortir ne sont jamais revenues. Pourtant, qu’est-ce qui pousse ces mêmes individus à nettoyer les capteurs encrassés avant de s’éloigner à jamais de l’entrée du gigantesque abri?
L’arrivée d’une jeune femme, toute droit venue des profondeurs, va déclencher une crise existentielle au sein de cet écosystème qui fonctionnait parfaitement bien depuis des siècles. Au fur et à mesure que l’héroïne fouillera dans le passé du silo, toutefois, la fiction fera place à une troublante réalité…
S’il importe ici de taire la suite de l’intrigue afin de laisser une certaine surprise au lecteur, il est tout aussi essentiel de souligner que le coup de maître de Hugh Howey réside dans le fait d’avoir su réinventer certains codes du genre pour assurer une certaine fraîcheur à l’ensemble. Bien entendu, l’intrigue en vase close n’est absolument pas chose nouvelle, et encore moins dans un univers où les conditions environnementales du scénario – ici, une contrainte tout ce qu’il y a de plus toxique – imposent un huis clos dont il est quasiment impossible de s’extraire.
Les amateurs de jeux vidéo, par exemple, n’auront aucun problème à établir des parallèles avec la série de titres Fallout, dont chaque opus débute effectivement à l’intérieur d’un abri antinucléaire habité depuis environ deux siècles par le survivants de l’Holocauste atomique.
Titre-univers contenu en lui-même, à l’image du fameux abri qu’il dépeint (et ce malgré l’existence d’une suite et d’une « préquelle »), Silo gagne ses lettres de noblesse en jouant finement aux abords des limites entre le cliché et l’original, entre le convenu et l’innovateur. Et pour cela, l’oeuvre de Hugh Howey est particulièrement rafraîchissante dans cette niche de la science-fiction où l’odeur de renfermé flotte un peu trop souvent.
Silo, de Hugh Howey, 622 pages. Publié au Québec chez Babel et distribué par Flammarion.