Nathalie Lessard
Dans un bar-salon glauque du Saguenay, un soir d’orage et de panne d’électricité, réunissez une waitress, trois gars de la place, un étranger et quelques bières tablette, laissez-les parler, vous raconter leur peur la plus étrange et assistez à une soirée des plus mystérieuses. Dans Saint-André-de-l’Épouvante, les histoires de terreur narrées à la lueur d’un fanal défilent jusqu’à ce que chacun comprenne qu’il a un rôle à jouer dans une histoire plus terrible encore et qui est toujours en train de s’écrire.
L’action se passe donc au bar Le Cristal, où cinq personnages prisonniers de la tempête vivent une rencontre improbable. Au fil de récits oniriques, ils nous invitent à entrer dans le côté obscur des choses. En plus de la Loulou de Dominique Quesnel, Dany Michaud joue Mario, un villageois sympathique, André Lacoste (le garagiste taciturne des publicités de Honda) campe Martial, un policier retraité protecteur, Bruno Paradis incarne Raynald, l’homme-enfant, ex-incendiaire, et Miro Lacasse joue l’étranger, ce mystérieux homme en noir. Ces personnalités pourtant pétries d’un passé chargé ne suscitent malheureusement aucun frisson.
Solide équipe de comédiens, jeu juste, mise en scène (de Patrice Dubois) soignée et efficace, mais manque évident de consistance. La première pièce de l’auteur saguenéen Samuel Archibald est divertissante, sans plus. On se régale de la kyrielle d’expressions colorées et régionales, ces mots marqués par le territoire, on reconnaît bien sûr un frère, un cousin, une tante dans ce groupe de conteurs improvisés, on assiste même à un beau déploiement d’imaginaire qui honore le passage du temps sur nos mémoires individuelles et collectives, mais on reste malheureusement sur notre faim. Si tous les éléments sont réunis pour donner la chair de poule (orage inquiétant, tonnerre qui gronde, mystère qui plane, ambiance sinistre, bar sombre), on n’accroche pas.
De l’histoire de Marie-sans-tête jusqu’à celle de la disparition de Réal Cormier, en passant par le récit de l’apparition de soucoupes volantes sur la rivière Péribonka, les histoires se suivent et ne se ressemblent pas, évoquant des souvenirs douloureux à ceux qui les racontent. D’ailleurs à cet égard, on en fait peut-être un peu trop (surtout à la finale qui déçoit tellement c’est gros), et on finit par embrouiller le plaisir simple du conte et par alourdir l’intrigue. Dommage, mais pas si épouvantable.
La pièce est présentée au théâtre Espace Go, du 18 février au 12 mars.