« Il faut arrêter de traiter les parents, qui ne veulent pas faire vacciner leurs enfants, d’ignorants et d’anti-science. Au contraire, ils sont instruits, croient fermement en la science et s’y connaissent en matière de vaccination », a annoncé d’emblée l’historien Mark Largent de l’Université de l’État du Michigan, lors de sa récente conférence au congrès de l’Association américaine pour l’avancement des sciences. Et surtout, il importe de trouver des solutions réalistes pour travailler avec eux, insiste-t-il.
Des études ont démontré que 40 % des parents américains sont « anxieux » face à la vaccination, ce qui n’en fait pas de réels « antivaccination », rapporte-t-il. En fait, seulement 3 % des parents américains refuseraient toute vaccination pour leurs enfants.
En identifiant les véritables préoccupations de ces parents, il sera possible, selon lui, de développer des stratégies afin d’accroître l’efficacité des programmes de vaccination. Il identifie d’ailleurs quelques pistes qu’il faut déjà abandonner parce qu’elles ne fonctionnent pas et peuvent même, dans certains cas, produire un effet contraire: « il faut arrêter de présenter aux parents une photo d’un enfant atteint de la rougeole, ça envoie un message contradictoire et ça crée du stress chez ces parents. Il ne sert à rien non plus de tenter une approche collaborative, en leur demandant ce qu’ils souhaiteraient et surtout, il faut arrêter de coupler les efforts de vaccination avec les compagnies pharmaceutiques dans lesquelles ils ont très peu confiance ». Une partie de la solution réside peut-être, selon M. Largent, dans un nouveau programme de sensibilisation à la vaccination, mis sur pied en 2014 dans le Michigan et qu’il pilote avec quelques collègues.
Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est que depuis quelques années un nombre croissant de parents américains utilisent des prétextes pour retarder ou empêcher la vaccination de leurs enfants, même s’ils n’y sont pas fondamentalement opposés. Ils invoquent des motifs religieux ou personnels parce que la loi permet une dérogation. S’ils l’obtiennent, leurs enfants peuvent continuer à fréquenter les écoles et les services de garde même s’ils ne sont totalement immunisés.
Or, depuis 2014, les parents résidant au Michigan doivent, s’ils désirent éviter la vaccination à leurs enfants, assister à une courte séance de sensibilisation à la vaccination, offerte dans les centres locaux de santé publique. Suite à cette formation, les parents peuvent toujours obtenir une dérogation, mais depuis l’instauration de cette approche, une baisse de 39 % des demandes de dérogations a été enregistrée. Dans la seule ville de Détroit, ce taux est passé à 68 %. Qu’est-ce qui fait le succès de cette nouvelle mesure? Les parents, qui assistent à ce programme, reçoivent une information factuelle sur la vaccination. De plus, aucune pression n’est faite pour qu’ils fassent vacciner leurs enfants.
En contrepartie, ils répondent à quelques questions en verbalisant, par exemple, leurs préoccupations face à la vaccination, en identifiant les sources des informations qui parviennent jusqu’à eux, etc. Un historien est sur place pour recueillir ces données en vue d’identifier les axes sur lesquels il serait possible d’intervenir plus efficacement auprès de ces parents.
« Il faut donc prendre en compte les données lors des interventions afin d’identifier la provenance de cette désinformation — souvent le médecin de famille — et la confiance qu’ils accordent aux gens qu’ils consultent pour s’informer, insiste M Largent. C’est de ce côté qu’il faut orienter nos interventions. »
La compilation préliminaire de ces données démontre que ces parents expriment beaucoup d’inquiétudes face à l’industrie pharmaceutique et aux règlementations gouvernementales en matière de vaccination.
Leur principale complainte : ces structures ne semblent pas se préoccuper assez des intérêts de leurs enfants. À titre d’exemple, le chercheur mentionne la longue liste de vaccins qu’il est dorénavant recommandé d’administrer aux enfants aux États-Unis. Alors qu’en 1983, on n’avait que quatre vaccins (avec 8 inoculations) pour traiter 7 maladies, aujourd’hui ce sont 11 vaccins (avec 35 inoculations) qu’il faut administrer aux enfants pour combattre 15 maladies. « C’est trop demander à ces parents qui craignent les vaccins, surtout dans un système qui est lui-même un vrai fouillis », admet le chercheur.
Cela dit, ce ne sont pas tous les parents craintifs qui assistent à ce programme. « Il faut être drôlement motivé pour venir au centre local de santé, la salle d’attente ne ressemble en rien à celle d’un spa! » Ainsi, plusieurs parents n’obtiennent pas de dérogation et par conséquent, leurs enfants fréquentent des services de garde non licenciés ou encore sont éduqués hors du système scolaire. De fait, à la grandeur des États-Unis, ce sont présentement 35 % des enfants qui n’ont pas reçu tous leurs vaccins et qui réussissent ainsi à passer sous le radar des départements de santé.