Longtemps confiné au septième art, le mythe des zombies s’est peu à peu répandu dans d’autres secteurs médiatiques: à la télévision, bien sûr, avec une télésérie comme The Walking Dead, mais aussi entre les pages de divers livres et bandes dessinées. Ironiquement, World War Z a suivi le chemin inverse, obtenant un succès important en librairies avant d’aller pourrir au grand écran.
Le roman de Max Brooks n’en est pas un: si le livre comporte une certaine structure narrative, il s’agit plutôt d’un mémoire, ou plutôt d’une série de courts récits à propos d’une guerre déjà menée contre les morts-vivants à l’échelle mondiale. Sur cette Terre post-apocalyptique, point de mutants ou de bandits du désert couverts de cuir et de pointes, mais plutôt une race humaine dont les représentants, bien moins nombreux qu’avant, sont aux prises avec une planète malade, affaiblie par la pire épidémie de tous les temps.
Engagé par les Nations unies pour fournir un rapport sur cette « guerre mondiale des trépassés », le narrateur publie dans le livre ses entretiens personnels avec une série de personnages ayant traversé d’effroyables épreuves durant la Grande Panique, ou encore pendant la libération. Soldats, mercenaires, gens ordinaires devenus extraordinaires par la force des choses… chacun a son histoire, son passé, ses démons intérieurs. Des premiers cas d’infection en Chine à l’évacuation des États-Unis à l’arrière des Rocheuses, en passant par l’exil vers le nord, ou encore la vie à bord de navire rafistolés pour échapper aux morts-vivants, World War Z regorge de situations à la fois hautement improbables et pourtant étrangement réalistes. L’humanité est capable du meilleur comme du pire, et Brooks semble avoir réussi à coucher sur papier cette détermination et cette résilience qui permet habituellement au genre humain de surmonter les tragédies les plus éprouvantes.
C’est aussi le contenu épisodique qui fait la force de l’oeuvre. Si la transposition au cinéma, avec Brad Pitt dans le rôle du scientifique omniscient et surpuissant, a donné des résultats désastreux, le film étant un ramassis des pires clichés d’un paysage culturel aujourd’hui gangrené par la surutilisation du thème des morts-vivants, il aurait été envisageable de produire une télésérie où plusieurs personnages du livre raconteraient leur histoire personnelle.
Tout n’est cependant pas parfait dans le monde de Max Brooks. L’auteur tourne entre autres les coins ronds en affirmant que l’ensemble de la population nord-coréenne, quelque 23 millions de personnes, a simplement disparu sous terre après l’éclatement de la crise. Et pour éviter qu’une possible gigantesque horde de morts-vivants ne refasse surface, on règle cette question en deux coups de cuillère à pot. Idem pour la Russie qui devient le Saint Empire de Russie, avec tout le fondamentalisme religieux que cela suppose. Ou encore l’Asie centrale et le Moyen-Orient dévastés par un échange nucléaire majeur entre l’Iran et le Pakistan. Bien sûr, on évoque un hiver nucléaire, mais quid des conditions de vie des près de quatre milliards de personnes qui vivaient dans la région avant l’épidémie? Et qu’advient-il de la vie animale, des oiseaux, des poissons? De la possibilité de relancer l’agriculture sur des terres contaminées par les corps en décomposition des zombies?
Rien pour gâcher le plaisir de la lecture, certes, mais l’on sent que Brooks, peut-être dans un désir d’ajouter une touche de fantastique à son récit, s’est adonné à une certaine enflure verbale.
Au-delà de cela, World War Z est sans doute l’une des meilleures oeuvres culturelles portant sur les zombies. Pas un simple récit d’action ou d’horreur, il s’agit plutôt d’un roman d’espoir, de détermination. Dans un monde peuplé de revenants et de morts-vivants, World War Z est particulièrement humain, et c’est ce qui fait sa force.