« Ce jeu tuera sans doute votre animal de compagnie ou votre ordinateur. » L’avertissement est là, donné avant même d’arriver au menu principal. Un bandeau ou des icônes rappellent également qu’Ashes of the Singularity, l’un des plus récents jeux édité par Stardock Entertainment et développé par Stardock et Oxide Games, est toujours en version test, tout comme l’indique clairement la page du titre sur Steam. Et à vue de nez, on comprend certainement pourquoi.
D’abord, la souffrance. Pas que ce journaliste dispose d’un ordinateur dernier cri, mais ladite machine est tout de même relativement décente, avec ses 16 gigaoctets de mémoire vive et sa nouvelle carte graphique Geforce 960 récemment installée. Une fois cela énoncé, Ashes of the Singularity s’obstine à n’afficher que du 30 images par seconde en moyenne, donnant au jeu une belle patine digne de l’expression festina lente.
Point de tutoriel ou de campagne solo, d’ailleurs. Mais bon, puisque le jeu s’appuie sur le modèle qui prévalait durant les années 1990, durant l’âge d’or des jeux de stratégie en temps réel, nul véritable besoin de suivre un cours de plusieurs heures pour en comprendre le fonctionnement: fabriquer des unités, exploiter des ressources, fabriquer plus d’unités et aller casser la gueule de l’adversaire. Avec une multitude d’engins faisant pew pew pew et boom!.
Pour l’instant, deux factions se font la guerre: les humains, d’abord, puis ce qui ressemble à des créatures contrôlées par une intelligence artificielle. Les lignes des premiers sont carrées, martiales, durcies par le conflit. Celles des secondes sont fluides, courbes, quasi organiques.
Entre les deux camps, des points nodaux autour desquels s’égrènent de rares ressources qu’il faudra contrôler et exploiter, créant autant de zones d’escarmouches où on ne cédera du terrain qu’à coups de quelques mètres à la fois, pour mieux en reprendre ailleurs. Il est aussi possible d’obtenir la victoire en contrôlant d’autres zones plus spécifiques. Lors des essais contre l’ordinateur, toutefois, il était toujours plus simple de monter une armée pour aller raser le quartier général de l’adversaire.
Unités légères, chars blindés, monstruosités hérissées de canons et de culasses, avions de guerre, et même armes orbitales… Tout est là pour satisfaire l’amoureux de la gâchette, dans un grand concert de bruits d’explosions et d’effets de particules. Et malgré l’optimisation horrible d’Ashes of Singularity, on s’y prend à en éprouver du plaisir. Aucune trace des fioritures attendues, certes, pour un jeu de ce genre qui aspire à siéger auprès des plus grands, mais l’intention est présente, l’ambition est palpable, et connaissant l’amour que les gens de Stardock portent aux jeux de stratégie en général, avec des classiques tels que les séries Galactic Civilization et Sins of a Solar Empire, nul doute que le produit fini en jettera plein la vue.
Autre preuve des visées audacieuses des développeurs, il ne semble pas y avoir de limite au nombre d’unités qu’il est possible de créer. Avec comme résultat anticipé des mêlées titanesques regroupant des milliers de véhicules et autres engins de combat de part et d’autre du champ de bataille. Starcraft était (et est encore) limité par un nombre maximal de 200 unités, alors que des jeux comme Red Alert, premier du nom, échappent au couperet arbitraire. Même Forged Alliance, sans doute le meilleur exemple moderne d’un jeu de stratégie en temps réel ambitieux et complexe, dispose d’un maximum de 1000 unités et structures par camp. Bien entendu, il existe des cartes où 16 joueurs se livrent une lutte sans merci, et les difficultés pénibles de l’engin graphique de ce titre sorti à la fin de 2007 sont là pour rappeler qu’il est possible de rêver, mais que même les fantasmes les plus fous ont leur limite.
Ashes of Singularity, donc. Peut-être que la culture du lancement « officiel » correspondant à l’entrée en mode « accès prématuré » sur Steam vient nuire à l’idée que la période de test d’un jeu offerte aux joueurs sert véritablement à « tester » un jeu, à poursuivre son développement pour améliorer l’expérience des consommateurs. Surtout que les gens de Stardock assurent que cette démarche ne vise pas à amasser l’argent nécessaire pour compléter le développement.
Peut-on, dans cette perspective, accorder une note négative à l’ensemble? Sans doute pas. Mais impossible, également, de se répandre en louanges. Le jeu est mal optimisé, l’interface pourrait être améliorée, les barres de progression pour la construction de bâtiments et le développement d’unités sont pratiquement invisibles, et l’intelligence artificielle, en mode normal, est assurément trop prudente pour représenter un défi intéressant. Au-delà de toutes ces embûches, cependant, se dessine quelque chose comme un bon jeu, voire peut-être même un grand jeu. Seul le temps le dira, et le fait que le titre soit encore en test trois mois après son arrivée sur Steam en « accès anticipé » peut soit révéler une attention particulière aux détails, soit une lenteur inquiétante. À voir lorsque le produit sera complété. En attendant, le jeu ne vaut sans doute pas les 40 dollars et des poussières exigés pour son achat.