Ah, Need For Speed! L’exemple ultime d’une franchise qui a réussi, tant bien que mal, à survivre à deux décennies de changements technologiques et culturels en demeurant (relativement) fidèle à ses racines. Et ce, sans grand trou noir où le titre se retrouve dans les limbes pendant plusieurs années.
Difficile, dira-t-on, de rater un jeu de course tenant davantage de l’arcade que de la simulation. Pourtant, on disait la même chose de Doom ou de Duke Nukem, et ces deux franchises ultraclassiques ont disparu des écrans radar pendant 10 ans pour l’un, pendant près de 20 ans pour l’autre. Il ne faut toutefois pas penser que Need For Speed a conservé un même niveau de qualité au fil des ans. Hot Pursuit, paru en 1998, avait jeté les bases de ce qui deviendrait la marque de commerce des gens de chez Electronic Arts: des courses-poursuites effrénées, la police qui menace de nous passer les menottes aux poignets, des sauts, des carambolages…
Sur 20 ans, on a testé les policiers et criminels, le tuning, le jeu en ligne, on est même allés jusqu’à dériver le produit sous forme cinématographique avec un navet éponyme, sorti en 2014, et mettant en vedette un Aaron Paul qui aurait dû éviter de s’y commettre.
Sans avoir essayé toutes les itérations – on en compte tout de même plus d’une vingtaine – force est d’admettre qu’EA a su continuer à offrir un produit tenant bien la route, malgré quelques errances. Ainsi, les deux titres Underground, avec leur accent sur le tuning, se sont avérés extrêmement populaires; bien plus, par exemple, que Hot Pursuit 2, sorti l’année précédant Underground 1. C’est pourtant ce Hot Pursuit 2 (et le premier du nom, paru en 1998) qui ont contribué à alimenter l’intérêt envers la série chez ce journaliste. Ah, ces poursuites par la police à bord d’une Dodge Viper verte dans les chemins boisés, alors que la chanson One Little Victory de Rush résonnait dans les hauts-parleurs…
Ah, ce stress, alors qu’un pneu, voire deux ou même trois!, ont été crevés par un tapis de clous déployé par les autorités, et qu’il faut encore compléter le circuit pour échapper à la police… Plus d’une dizaine d’années plus tard, retourner à Hot Pursuit 2 montre cependant que le jeu a mal vieilli. Les textures sont ternes, les décors sont remarquablement vides, et les voitures se contrôlent comme des paniers d’épicerie remplis de blocs de béton. Quid des policiers? Ceux-ci sont vicieux, et les développeurs ont eu la fâcheuse manie de faire en sorte qu’il soit extrêmement aisé, pour les forces de l’ordre, de faire perdre la course au joueur avant de lui mettre la main au collet: il ne suffit que d’une petite poussée sur un côté du pare-chocs arrière pour que la voiture parte en tête-à-queue, une situation particulièrement frustrante. Et encore, on ne parle pas des hélicoptères qui larguent des barils enflammés…
Avance rapide pendant quelques années, jusqu’à la sortie de Carbon, en 2006, où l’on tente de s’imposer dans une ville où le territoire est séparé entre les muscle cars, les voitures importées et les voitures facilitant les acrobaties. Avec de savoureuses cinématiques où la violence et la nudité sont classées 13 ans et plus, et où l’on nous sert une mise en garde au début de la partie: « Ceci est un jeu! Dans la vraie vie, respectez le code de la route et bouclez votre ceinture! » Comme si l’on tentait de se préserver contre une accusation voulant que les jeux vidéo entraînent des comportements criminels… On retiendra quand même de Carbonson système de course où il importe de dépasser son adversaire, mais sans le toucher. La course contre les policiers tandis que l’on se trouve aux commandes d’un camion-benne est également particulièrement jouissive.
Autre avance rapide, en passant par-dessus plusieurs jeux tels un autre Hot Pursuit – cessons le redémarrage des séries avec des titres identiques! -, et rendons-nous à Rivals, sorti en 2013. Similaire à la série Hot Pursuit, ceux de 1998 et 2002, le jeu permet d’entrer dans la peau d’un policier et d’un coureur automobile à travers une série d’épreuves. Visuellement impressionnant, ce port d’un titre console vers le PC souffre malheureusement d’un taux de rafraîchissement de l’image bloqué à 30 images par seconde, au lieu des 60 souhaités. Certains YouTubeurs avaient tenté de faire sauter ce verrou artificiel… pour se rendre compte que tout allait deux fois plus vite. Une erreur de la part des développeurs, qui mettent les parts de marché sur console avant les intérêts des joueurs PC. On note aussi une distance d’affichage particulièrement pauvre, et ce même en poussant la fidélité graphique à son maximum.
Malgré tout, Rivals est certainement l’exemple le plus abouti de la série depuis plusieurs années: le jeu est divertissant, la prise en main est agréable, et avec une manette de Xbox 360 ou Xbox One, la conduite est sans heurts.
Need For Speed est une série récemment menacée par une vision un peu trop consumériste: connexion Internet constante requise, microtransactions, DLC… Les tentations sont très grandes pour EA, dont les mauvaises pratiques en la matière sont connues de longue date. Il n’y a plus qu’à espérer que les amateurs soient en mesure d’influencer les décideurs pour éviter un naufrage.