À la suite des attentats dans la ville d’Istanbul, mardi dernier, le célèbre linguiste a accusé le président de la Turquie d’hypocrisie de par ses politiques à l’égard de l’État islamique. Ce dernier a répliqué en le traitant d’ignorant.
Le président Recep Tayyip Erdogan a critiqué la lettre, cosignée par le linguiste Noam Chomsky, envoyée le mois dernier à son gouvernement dans un discours télévisé lors d’une conférence avec des ambassadeurs turcs dans la capitale, Ankara. Cette lettre demande à la Turquie de cesser d’assiéger les villes kurdes et d’arrêter de leur faire la guerre. Il a défié le célèbre linguiste de venir en personne visiter la zone en question, au sud-est du territoire, sur un ton autoritaire.
« Si je décide d’aller en Turquie, ce ne sera pas parce qu’il m’a invité, mais parce que plusieurs dissidents courageux m’ont invité à plusieurs reprises auparavant, incluant des Kurdes qui ont été la cible de sérieuses attaques depuis plusieurs années », a écrit Noam Chomsky dans un courriel au quotidien The Guardian. Pour le linguiste, le président turc joue un double jeu. D’une main, il condamne les terroristes pour avoir commis un attentat à la bombe tuant dix touristes allemands dans la ville d’Istanbul et de l’autre main, il cible les Kurdes qui combattent les terroristes en Syrie et en Iraq.
« La seule façon dont la Turquie croit pouvoir défaire le PKK ( Parti des travailleurs du Kurdistan )est en faisant la guerre à la population civile kurde, tel que cela se déroule dans les villes de Cizre, Silopi et Diyarbakir », écrit-on dans la lettre envoyée au président turc. Pour démontrer que ce type de politique ne fonctionne pas à long terme, les auteurs comparent cette situation à celle de la guerre du Vietnam. Par exemple, la « Stratégie Hamlet » visait à amener les paysans dans des zones contrôlées afin de les isoler des insurgés communistes, une politique qui a échoué d’une façon misérable.
Aux côtés du Qatar et de l’Arabie saoudite, la Turquie a pris la décision en janvier 2015 de soutenir « l’Armée de la conquête », un groupe incluant le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida. « Ayant fait de la chute d’Assad une obsession , la Turquie a financé plusieurs groupes rebelles plus ou moins incontrôlables. Elle se retrouve aujourd’hui incapable de jouer le rôle de premier plan dans la recherche d’une solution diplomatique et dans la mise en place d’une transition négociée », explique le directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Didier Billion.
« La Turquie veut empêcher qu’un deuxième Kurdistan autonome, syrien, cette fois, ne voie le jour à sa frontière », affirme un diplomate arabe en poste à Ankara au Monde diplomatique du mois de septembre 2015.
« Ils devraient voir de leurs propres yeux si le problème est une violation par l’État ou un détournement des droits et de la liberté de nos citoyens par une organisation terroriste », a répliqué le président Erdogan aux intellectuels signataires.