Hugo Prévost
L’univers est en guerre perpétuelle. Dans le sombre futur du 41e millénaire, l’humanité est engagée, sous l’égide de l’empereur immortel, dans une lutte impossible à gagner contre quantité de hordes extraterrestres. Cet univers de Warhammer 40K, popularisé sous forme de jeux de plateau et de figurines par Games Workshop, a trouvé grâce dans une forme vidéoludique, y compris dans Warhammer 40 000: Dawn of War – Dark Crusade.
Le titre est un peu long, mais cette expansion indépendante à Dawn of War, sortie en 2006, s’inscrit donc dans la foulée du titre de stratégie en temps réel développé par Relic Entertainment et publié par THQ deux ans plus tôt. Plutôt que d’effectuer une série de missions au nom des Space Marines, des forces du Chaos, ou encore des Eldars ou de la Garde impériale, dans le premier titre et sa propre expansion Winter Assault, le champ est maintenant libre pour agir comme bon nous semble pour asseoir sa domination militaire sur la planète Kronus.
Carrefour stratégique majeur, Kronus attire six factions belligérantes sur son territoire, alors qu’un septième camp, les quasi-immortels Necrons, s’éveillent dans les profondeurs de la planète. Cet affrontement titanesque fera couler des rivières de sang et de métal, et ce jusqu’à ce qu’un seul commandant en ressorte victorieux.
S’éloignant quelque peu de ses racines en matière de jeu de stratégie en temps réel (RTS), Dark Crusade opte plutôt pour s’inspirer de la série Total War. À l’image de Medieval Total War (Creative Assembly / Sega), sorti peu de temps auparavant. Le jeu est ainsi séparé en deux parties: une phase de planification, au tour par tour, où le joueur peut effectuer un (ou deux, selon certaines circonstances) déplacements ou attaques, en plus de renforcer ses positions et son armée. Par la suite, vient le temps de l’affrontement sur le terrain, alors que l’on passe en mode temps réel, avec production de bâtiments et d’unités et combats à la clé.
Pour gagner, il faudra éliminer chacune des « bases » ennemies, des régions lourdement renforcées où la progression sera lente et méthodique. Par ailleurs, certains territoires donnent accès à des avantages en termes de production, de renforts, ou encore de déplacements sur la carte. Au final, cependant, il faudra impérativement suivre un certain ordre. N’élimine pas un concurrent qui veut, après tout, et même en mode facile, près d’une dizaine d’heures seront nécessaires pour émerger triomphalement de cette campagne guerrière.
Dans la série Dawn of War – du moins, jusqu’à Dawn of War 2, qui a changé de forme -, Relic emploie une vue en plongée traditionnelle qui ne devrait pas déconcerter les accros des jeux de stratégie en temps réel. On retrouve aussi un sens du détail qui fait défaut chez de nombreux titres, mais pas chez Company of Heroes, un autre RTS de Relic utilisant la même structure, mais cette fois dans l’univers de la Deuxième Guerre mondiale. Capacité de se mettre à couvert, impact de l’environnement sur le jeu, microgestion des unités… Dark Crusade récupère bien des aspects intéressants de ce qui était à la base un jeu de plateau, sans toutefois adopter une attitude trop puriste. Rien qui ressemble aux quantités de coups dans le vide lorsque vient le temps de débuter une quête dans le jeu de rôle Morrowind, par exemple.
Dark Crusade (comme Dawn of War avant lui) offre aussi une impressionnante variété de races et de factions. Bien sûr, les mêmes « ressources » (énergie et « réquisition ») sont employées par tous, mais là où les Space Marines misent sur les fantassins génétiquement modifiés pour l’emporter, la Garde impériale pariera plutôt sur les véhicules de guerre, contre les gros guerriers en colère des Orcs, la subtilité et la traîtrise des Eldars, la haute technologie des Tau, ou encore l’impact terrifiant des légions de « zombies » Necron. Sept factions, sept méthodes étonnamment bien développées pour faire la guerre sur Kronus, ou en mode multijoueurs.
La principale épine dans le pied de Dark Crusade est en fait la façon dont fonctionne l’intelligence artificielle: alors qu’elle est trop peu ambitieuse en mode facile, les niveaux de difficulté plus élevée rendront rapidement le titre injouable ou trop frustrant pour continuer d’y tenter sa chance. Le tout repose en fait sur le « niveau de défense » des diverses régions de la planète, soit donc sur la quantité de soldats, véhicules et bases ennemies à vaincre. En début de partie, seuls les quartiers généraux des ennemis sont bien défendus. Mais à la fin de la campagne, de véritables Lignes Maginot sont érigées un peu partout. Jusque-là, rien d’étonnant, mais cela donne aussi à l’ordinateur l’occasion de tricher en faisant constamment déferler des unités par dizaines, alors que des restrictions quasi-immuables bloquent le joueur.
Même en choisissant une difficulté « normale », ce tour de passe-passe mène à une carte stratégique bloquée en fin de partie, où aucun camp n’est en mesure de prendre l’avantage sur l’autre. Quant aux territoires dont les « propriétaires » ont été éliminés, on y trouve encore les troupes du précédent envahisseur, et leur « niveau de défense » ne baisse pas, ce qui aurait pu provoquer une course intéressante entre les factions restantes. Bref, à moins de jouer au jeu en mode facile, ou de disposer de capacités stratégiques supérieures à celles de ce journaliste, force est d’admettre qu’une fin de partie à Dark Crusade tient davantage de l’exercice de frustration que d’une marche conquérante, sabre au clair.
Malgré tout, Dark Crusade est certainement l’un des meilleurs exemples de stratégie en temps réel du milieu des années 2000. Les effets visuels sont encore intéressants, près de 10 ans plus tard, les factions sont richement détaillées, et le jeu réussit à ne pas trop se prendre au sérieux, tout en offrant une solide expérience vidéoludique.