Agence Science-Presse
Ce n’est plus seulement Exxon qui se retrouvera sur la sellette en 2016 : juste avant les Fêtes, de nouveaux documents ont révélé qu’entre 1979 et 1983, les principaux joueurs mondiaux du pétrole avaient été membres d’un comité de travail partageant des recherches sur les risques d’un futur réchauffement climatique causé par leurs émissions de gaz à effet de serre. De quoi inspirer ceux qui parlent de désinvestissement…
« Nous voulions comprendre cette science en émergence, les implications que cela avait et les améliorations qui pourraient être faites, si possible, pour réduire les émissions » de gaz à effet de serre, a expliqué au magazine Inside Climate Newscelui qui fut jadis le directeur de ce groupe de travail.
Ce comité était chapeauté par l’Institut américain du pétrole, principale association internationale des pétrolières (Texaco, Shell, Amoco, etc.), et principal lobbyiste.
Plus tôt en 2015, Inside Climate News et le Los Angeles Times avaient publié une série de reportages révélant que dès la fin des années 1970, des chercheurs au sein de la multinationale Exxon avaient tiré la sonnette d’alarme sur un éventuel réchauffement climatique; la compagnie avait même été, pendant quelques années, à l’avant-garde des recherches sur le climat. Mais dix ans plus tard, elle était plutôt à l’avant-garde des mouvements climatosceptiques, qu’elle allait généreusement financer pendant deux décennies. En 1998, l’Institut américain du pétrole avait lancé une campagne pour convaincre le public américain et les politiciens que la science du climat était trop incertaine pour que les États-Unis ne prennent le risque de signer le Protocole de Kyoto, qui venait alors d’être adopté.
Dans les nouveaux documents, on trouve par exemple un mémo daté du 6 septembre 1979, qui suggère que soit précisé dans un document de synthèse alors en préparation, que le réchauffement causé par la hausse du CO2 dans l’atmosphère pourrait commencer à être « mesurable dans les 20 prochaines années ».
Ces révélations ont donné dans les dernières semaines de 2015 du carburant aux environnementalistes et même à certains politiciens, qui y voient la possibilité de déclencher des poursuites judiciaires contre Exxon, de la même façon que des compagnies de tabac ont été poursuivies pour avoir dissimulé de l’information sur les impacts délétères du tabac. L’année 2016 pourrait donc être nourrie par des enquêtes préliminaires et des débats juridiques sur qui savait quoi, au tournant des années 1980.
C’est l’un des deux dossiers sur ce front en 2016. L’autre, d’après les annonces en marge de la Conférence de Paris sur le climat, sera la campagne de désinvestissement des carburants fossiles. Depuis trois ans, elle a été appuyée par des universités, des villes, des collectivités locales. Mais de l’avis de l’organisme 350.org, qui a piloté cette campagne, si des pays voulaient démontrer leur sérieux face à l’accord de Paris, une façon de le faire pourrait être d’annoncer qu’ils retirent leurs placements des carburants fossiles. En mars dernier, la Fondation David-Suzuki et d’autres suggéraient carrément à la Caisse de dépôt et placement du Québec d’emboîter le pas.