Jim Chartrand
Difficile de faire suite à un film comme La Grande Bellezza, puisqu’à l’image de son titre on y trouvait une proposition d’une beauté inoubliable. S’il semble se baser sur les mêmes élans visuels tout en respectant son propre style maniéré, Paolo Sorrentino nous revient avec Youth, un opus créatif qui séduit, mais qui n’impressionne pas.
Jouant sur les regrets, la mélancolie et une certaine d’ose d’ironie, le cinéaste italien continue de sculpter son long-métrage en parfaite symbiose avec son titre alors qu’il utilise la jeunesse pour rendre hommage à la vieillesse. Et si sa fin est certainement splendide, on doit admettre que pour une fois, il appuie beaucoup trop son scénario ce qui vole souvent la vedette à la justesse de ses observations et à sa poésie indéniable.
On y raconte l’histoire d’un chef d’orchestre retraité en vacances dans un domaine éloigné de luxe qui doit faire face à une proposition qui va à l’encontre de ses principes, sa fille qui doit faire face à une séparation et son meilleur ami cinéaste qui cherche l’inspiration. À lui s’ajoute une galerie de personnages de différentes provenances, dont un bien énigmatique incarné par le seul et unique Paul Dano.
Grâce à son complice de longue date le directeur photo Luca Bigazzi, on peut compter sur des images remarquables qui composent des cadres enchanteurs et des panoramas qu’on envie, secondés par des choix musicaux qui appuient toujours avec délicatesse les différents tableaux. Toutefois, ceux-ci ne sont pas toujours convaincants et souvent trop évidents dans leurs métaphores, leurs significations et leur symbolisme. Il faut plus qu’une pièce de Ratatat et des ralentis pour satisfaire, il faut avoir véritablement quelque chose à dire et pas seulement donner l’impression de pondre un extrait de vidéoclip. Il en va de même pour les séquences de rêve dont une qui cite très mal Fellini, alors qu’il le faisait pourtant magnifiquement auparavant, et une autre d’engloutissement qui fait plus rire qu’autre chose.
Comme quoi, à l’instar de ses faux animaux dans La Grande Bellezza (peut-être le seul défaut si son précédent film en a bien un), son Youth se veut plus poseur que réfléchi, plus songeur qu’établi. Bien sûr Michael Caine et Harvey Keitel jouent brillamment la carte de la longue amitié et vont magnifiquement de pair avec tous ceux qui savent les entourer, la toujours gracieuse Rachel Weisz en premier, mais lorsque Jane Fonda et son surplus de maquillage fera enfin son apparition, plus rien ne pourra l’arrêter, tellement elle sait dominer l’écran avec force et aisance.
Voilà donc un film qui en fait trop et pas assez pour son propre bien, traînant en longueur, bien qu’étant moins long que le chef-d’œuvre précédent du cinéaste dont on aurait pris davantage. Moins concis que son intrigant Il Divo, une incursion unique dans la politique italienne, on cherche souvent où le cinéaste veut bien en venir avant qu’il se mette à appuyer à gros trait ses réflexions. Comme quoi, en créant un peu trop vite, n’en déplaise à sa vision unique et son désir d’aspirer à un regard intemporel sur la création, l’art et la vieillesse, le cinéaste a peut-être ironiquement été lui-même rattrapé par le temps.