Hugo Prévost
Le mélange entre politique et médias continue de faire grincer des dents. Plus d’un an après l’élection de Pierre Karl Péladeau comme député du Parti québécois, et alors que l’ex-homme d’affaires est aujourd’hui le chef de la formation souverainiste, le Centre d’étude des médias (CEM) de l’Université Laval publie finalement son rapport sur le « cas » Péladeau. Verdict? Le mariage des genres ne prend toujours pas au sein d’une bonne partie de la population.
« Le cumul éventuel, par une même personne, d’une fonction politique de premier plan (M. Péladeau pourrait devenir premier ministre) et de la propriété d’un grand groupe médiatique a provoqué, dès l’annonce de sa candidature aux élections, un débat qui s’est prolongé pendant des mois. L’affaire se ranime de temps à autre. Les uns craignent que l’élu favorise indûment ses entreprises; les autres redoutent plutôt que les médias du groupe qu’il contrôle influencent le débat politique dans le sens des orientations qu’il défend », écrit le CEM dans l’introduction de son rapport tant attendu.
La décision d’entamer des travaux sur cette question avait en elle-même suscité une vive controverse, puisque la demande gouvernementale était décriée comme ayant des motivations politiques ultérieures. Après tout, le Parti libéral du Québec, au pouvoir, est le principal adversaire du PQ dirigé par M. Péladeau. Au final, le CEM a décidé d’effectuer ses propres démarches, démarches qui ont culminé jeudi avec la publication du rapport.
Le document en question appelle à une série de solutions visant à garantir l’indépendance des salles de nouvelles et l’intégrité de la fonction journalistique. M. Péladeau a beau ne plus être officiellement à la barre de l’empire Québecor, il n’en reste pas moins qu’il est toujours actionnaire de contrôle de l’entreprise, et qu’on lui prête encore des intentions peu compatibles avec le rôle d’ancien patron de presse ou de politicien.
Parmi les pistes de réflexion proposées par le CEM, on suggère que monsieur Péladeau signe «un contrat garantissant l’autonomie des responsables de médias», en plus de nommer un «éditeur public», rapporte-t-on sur le site web du Huffington Post. Faudrait-il que Québec se mêle de l’affaire? « Dans le cas qui nous occupe, on voit mal comment il pourrait procéder pour préserver l’indépendance des seuls journalistes de Québecor. La loi doit être d’application universelle. En principe, on ne fait pas une loi pour une personne ou une entreprise donnée », mentionne le rapport.
On propose aussi un statut professionnel pour les journalistes, à l’instar du rapport déjà présenté en 2011 par Dominique Payette. À l’époque, cette option avait rapidement été rejetée par les divers ordres journalistiques en raison d’une incapacité à s’entendre sur les modalités d’attribution d’un tel statut. La ministre Christine Saint-Pierre, alors responsable du dossier, avait promptement relégué le document aux oubliettes.
En 2014, le professeur Jacques Rivet, de l’Université Laval, suggérait plutôt qu M. Péladeau crée pour ses médias un poste d’éditeur public comparable à celui qui existe depuis plusieurs années au New York Times. Selon la formule que propose M. Rivet, l’éditeur public évaluerait chaque année l’application concrète d’un « contrat d’indépendance journalistique» qui serait conclu entre le propriétaire et les responsables de ses rédactions.
La CAQ réagit
La formation politique de François Legault a rapidement réagi à la publication du rapport en demandant que les parlementaires étudient des pistes de solution. «Le rapport soulève de nombreuses questions concernant l’indépendance des journalistes et employés de l’entreprise médiatique que possède le chef de l’opposition officielle. Il confirme l’existence d’un malaise. Maintenant, en 2016, ce sont sur les réponses à ces questions que les parlementaires devront travailler», a affirmé le leader parlementaire de la CAQ, François Bonnardel, par voie de communiqué.
M. Bonnardal a par ailleurs soutenu qu’il était nécessaire de réformer les structures législatives en place « pour éviter que cela ne se reproduise ».