Jim Chartrand
Si l’événement cinématographique n’a pas besoin de présentations, ne faisons pas durer le suspense plus longtemps et annonçons immédiatement que J.J. Abrams a encore réussi avec grand brio l’impossible en redonnant vie à un intouchable de façon à satisfaire pratiquement tout le monde, des initiés aux non-initiés, des fans aux nouveaux venus, allant peut-être même à atteindre ceux qui n’en ont absolument rien à faire de toute la folie entourant Star Wars. Pendant presque la totalité de ses deux heures et quelques, disons que le septième épisode de la saga est un feu roulant de feux d’artifice pour l’enfant enfoui en chacun de nous.
Près de 40 ans après le premier opus qui a changé le cinéma à jamais, il aura fallu une risible finale pour le sixième épisode et trois antépisodes particulièrement insipides avant d’en arriver, une décennie après le dernier signe de vie au grand écran, à quelque chose ayant le potentiel nécessaire pour rivaliser avec l’inoubliable Empire Strikes Back. Si The Force Awakens n’arrive pas tout à fait à la cheville de par plusieurs détours et révélations plus ou moins réussies, et cette tendance à trop étirer la sauce avec une démultiplication de combats, en plus de tous ces destins qu’on ne prend pas la peine de vraiment boucler à défaut de les mettre en place, disons qu’on a ici le long-métrage le plus satisfaisant de la série depuis longtemps.
Bien sûr, à force d’employer le même moule, il devient un peu compréhensible de mélanger les divers Star Wars, Star Trek et autres Guardians of the Galaxy, surtout que J.J. Abrams vient tout juste de revamper les Star Trek avec deux excellents films. Il faut admettre que c’est un cinéaste qui a une maîtrise impressionnante du blockbuster. Et, s’il s’amuse indéniablement avec les éléments signatures de la franchise en plus d’insérer intelligemment, souvent avec humour, des clins d’œil accueillis à bras ouverts, il n’hésite pas à en faire un objet dont lui seul a le secret.
Et c’est peut-être là qu’il réussit avec une meilleure adresse où George Lucas a proprement échoué, puisque Abrams n’infantilise pas et ne donne pas l’impression de livrer une création écrite par un petit garçon de cinq ans, mais bien d’un film qui, tout en s’avérant inévitablement moderne, fait revivre une époque où s’inventer des histoires impossibles était la clé de nos plus belles fantaisies. Avec brio, le cinéaste nous ramène dans notre enfance et profite de la nostalgie sur divers fronts, en plus de faire entrer en collision trois générations (de publics et de personnages) pour en livrer une fascinante constellation prête à connecter avec le plus large des publics.
Mieux encore, les effets spéciaux sont tout simplement ahurissants, mélangeant avec maestria la fine pointe de la technologie avec un classicisme qui revient au temps des maquettes, des marionnettes et des costumes sans donner l’impression de manquer de budget. Au contraire, la fluidité est épatante et le ballet galactique qui se produit sous nos yeux profite grandement du regard plein de magie du cinéaste qui sait toujours comment le cadrer, usant des grands espaces pour mieux magnifier ses splendides terrains de jeu. Et quels terrains de jeu! Si l’espace est un plan fixe étoilé où nichent de somptueuses planètes, on peut compter sur des déserts, des montagnes et des forêts enneigées, des couchers de soleil, des décombres de vaisseaux et bien plus pour en apprécier tout le fabuleux travail artistique derrière.
Mieux, cela permet de mettre en scène l’excellente distribution, qui, bien qu’elle soit comme toujours dominée par l’irremplaçable Harrison Ford dans son rôle mythique de Han Solo, secondé par son irrésistible complicité avec Chewbacca, a certainement plus d’une corde a son arc, n’en déplaise à l’intensité inquiétante de Domnhall Gleeson qui évoque en moins ridicule la performance de Eddie Redmayne dans Jupiter Ascending. Effectivement, si Oscar Isaac insuffle à nouveau son unique fougue à l’ensemble en se réappropriant avec brio le ton décalé des répliques simplistes et le jeu cabotin qui va avec, impossible de ne pas craquer pour le nouveau droïde BB-8.
À l’image de sa forme sphérique singulière, tournoie avec lui le nouveau duo plein d’étincelles composé de l’excellent personnage féminin Rey, interprétée avec brio par la novice Daisy Ridley, et du nuancé personnage de Finn, livré avec audace et candeur par le tout autant méconnu John Boyega. Ensemble, ils affichent une chimie mémorable qui virevolte avec brio avec le rythme assuré du long-métrage qui sait habilement éviter les temps morts et les longs discours inutiles.
Certes, Star Wars demeure Star Wars. L’émotion n’est toujours pas sa force, beaucoup d’éléments sont trop appuyés en plus d’être souvent particulièrement prévisibles et le tout demeure un grand fantasme de petits garçons, n’en déplaise à sa touche quelque peu féministe pour rappeler que les filles ont également le droit et le désir de se battre et de prendre part à des aventures plus grandes que nature.
N’empêche, c’est un spectacle flamboyant et souvent électrisant qui modernise avec grandeur une saga n’étant toujours pas entrée avec respect dans le 21e siècle, appartenant toujours au souvenir lointain d’un temps révolu. Avec ce nouvel épisode qu’on nous offre avec une assurance qui a sa raison d’être, compte tenu la qualité de la production, on ne peut que souligner le grand travail qu’on y a accompli en ne se contentant pas seulement de livrer la marchandise, mais bien en offrant quelque chose qui fait autant plaisir à regarder que celui envisagé par l’attente qu’on a su cultiver.
7/10
Star Wars Episode VII: The Force Awakens prend l’affiche ce vendredi 18 décembre 2015. Pour les quelques chanceux, il y a des représentations spéciales ce jeudi 17 décembre 2015, tout comme un marathon des sept épisodes.