La maison Analekta étant toujours aussi prolixe dans ses publications, nous y allons ici d’un menu en trois services pour présenter des albums parus dans les dernières semaines.
Commençons par l’éternité, car on voudrait que l’écoute de cet album puisse durer toujours, ou plutôt par l’enregistrement Chaconne – Voix d’éternité (AN 2 9132) de l’Ensemble Caprice de Mathias Maute. D’ailleurs quand on y pense, en regardant qui sont les membres de cet ensemble, on pourrait dire que son directeur musical se paye tout un caprice. En effet, de regrouper dans la même formation le violoniste Olivier Brault, le percussionniste Ziya Tabassian et la violoncelliste Susie Napper, ça s’appelle une gâterie. Une gâterie pour le chef, mais surtout pour le public. Et sans nommer tous les membres de l’ensemble, j’insisterai aussi sur le nom de Sophie Larivière dont la virtuosité aurait fait soupirer d’aise Vivaldi lui-même, ce tourmenteur des meilleurs solistes.
Donc, des chaconnes et des chansons folkloriques interprétées avec fougue et finesse. Un enregistrement de qualité, comme toujours avec Analekta, mais cette fois, il y a un petit quelque chose de plus qui nous donne vraiment l’impression que les musiciens sont installés en cercle pour jouer et que nous sommes assis au milieu. Le choix de l’Église St-Augustin de Mirabel pour l’enregistrement rend particulièrement honneur aux voix très belles des deux sopranos et de l’alto.
En deuxième service, nous avons droit à plus de profondeur et davantage de spiritualité, sous l’inspiration du célèbre alto et directeur musical Daniel Taylor. En réunissant le Theatre of Early Music et le Schola Cantorum, Taylor avait tout en main pour mettre en valeur les chants religieux de Michael Praetorius, Heinrich Schütz et Jean-Sébastien Bach sur l’album La vallée de pleurs (AN 2 9144). Le choix de ces compositeurs est intéressant, car les deux premiers sont nés cent ans ou davantage avant le grand Bach. Cela nous permet de constater une certaine continuité, mais surtout une facette de l’évolution de la musique sacrée entre la toute fin du 16e siècle et la première moitié du 18e. Là aussi, les interprètes sont de qualité. Leur jeu est céleste et empreint de toute la religiosité à laquelle on doit s’attendre dans un tel programme. On est cependant surpris de percevoir clairement un bruit de fond qui pourrait être dû à l’écho naturel de la nef, mais la maison Analekta nous a habitués à plus de précision dans le traitement de ses enregistrements.
Et pour dessert, la jeunesse et la vitalité de deux interprètes bien matures pour leur âge. C’est sur l’album portant le numéro AN 2 9994, simplement intitulé Stéphane Tétreault, Marie-Ève Scarfone – Haydn, Schubert, Brahms que sont réunis les talents du violoncelliste dont on parle tout le temps depuis environ quatre ans et de la pianiste très active dans le milieu montréalais et ailleurs.
Dès le Divertimento en ré majeur pour violoncelle et piano de Joseph Haydn, on s’aperçoit que Tétreault ne se contente pas d’être très doué pour jouer de son instrument : il sait aussi faire des choix d’interprétation. Il fait donc un Haydn de lui-même et choisit, dans quelques passages, de créer la surprise, ce que le grand compositeur ne dédaignait pas. Avec une complicité palpable, les deux musiciens semblent voguer de facilité en félicité.
C’est peut-être dans le Brahms que la suavité du violoncelle se fait le plus entendre et que la poigne de la pianiste est le plus mise en valeur, mais, dans cet album tout est bon.