D’un côté, l’Afrique: celle avec les paysages semi-désertiques, les animaux des savanes, les tribus vivant dans des huttes en torchis. De l’autre, l’Afrique: celle de l’Ebola, des guerres, des dictateurs, du terrorisme et de l’intégrisme au nord, de la misère noire au sud. Entre les deux, un continent qui se cherche, qui s’oublie, et une jeune femme qui fuit un pays qui l’étouffe.
Marie-Louise Bibish Mumbu vient de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Passée par Paris, elle vit désormais à Montréal, et vient d’accoucher. Sa pièce, conçue sous la forme d’un retour en arrière alors qu’elle se remémore son voyage en avion vers la France, explore les diverses facettes de la vie congolaise, avec ses bons et (bien sûr) ses mauvais côtés.
En fait, cette pièce de théâtre présentée à l’Espace libre n’en est pas vraiment une. Dans le thème du lieu de diffusion, sans doute, on a plutôt droit à une conversation communale entrecoupée de scènes théâtrale où l’interprète Gisèle Kayembe reprend certaines parties du roman Samantha à Kinshasa écrit en 2008 au Congo et réédité à Montréal en 2015. Conversation communale, en effet, puisque Mme Mumbu elle-même est sur scène pour commenter son récit en compagnie de Philippe Ducros. Pour mettre le public dans l’ambiance, on a même aménagé un bar dans un coin de la scène. Ainsi, la jeune mère se rappelle de son pays et de son histoire complexe entre deux monologues de celle qui transpose ses écrits en paroles et en gestes.
L’idée a du bon, puisqu’on ne connaît habituellement de l’Afrique que ses catastrophes: les bonnes nouvelles sont ensevelies sous les atrocités, les malheurs et autres maladies qui rongent ce berceau de l’humanité. Adopter cette structure narrative permet d’alléger quelque peu le fardeau dramatique de l’oeuvre, tout en engageant un dialogue plus direct avec le public. Ce faisant, toutefois, on nuit justement à cette même charge émotionnelle qui pourrait marquer le spectateur moyen. Cela n’empêche cependant pas d’être troublé par certains aspects de la vie congolaise. Comme ce moment où l’héroïne nous parle d’une jeune femme bien en chair, qui fait bien la cuisine, qui sait écouter… bref, une fille à marier! Ou encore de ce voleur qu’on a pris sur le fait pendant la nuit, et que les habitants du quartier désirent pendre ou soumettre au supplice du pneu (on enflamme à l’essence un pneu passé autour du cou de la victime, provoquant la mort ou de très graves blessures). Facile, dans ce cas, d’avoir l’impression de ne pas être au bon endroit, dans la bonne salle de théâtre.
Autant cette méthode de la conversation directe avec le public a le pouvoir de faire réagir, autant la façon dont tout cela est structuré détonne. Comme si Bibish de Kinshasa n’était jamais en mesure de se brancher une fois pour toutes sur son identité. Est-ce une pièce de théâtre? Est-ce une conférence? L’un comme l’autre sont des choix valables, mais à vouloir ménager la chèvre et le chou, on finit par obtenir un résultat qui n’est ni l’un, ni l’autre.