Anne Marie Piette
On a dit bien des choses au sujet de Love, le dernier film de Gaspar Noé (réalisateur de Enter the Void) composé pour la majorité de séquences de sexe non simulées, et projeté en 3D. Qu’il pénètre le vide était une blague facile, qui résume néanmoins plutôt bien la situation.
L’intention du réalisateur sera justifiée et réaffirmée tout au long du film à travers les opinions de son protagoniste Murphy (Karl Glusman), un étudiant en cinéma. Selon les propos du personnage, on pourrait effectivement déduire que pour Noé le cinéma «devrait être fait de sang, de sperme et de larmes». Mais encore le concept derrière Love aurait des intentions plus viscérales et essentielles que sa simple réputation de porno ne laisserait paraître, s’en remettant à l’intrinsèque: traiter de façon crue et domestique l’amour et le sexe, voir plutôt, élévation morale, le sexe et la passion par l’amour incarné en un jeune couple d’amoureux transis. Malheureusement, il n’en est rien, Love s’abîmera bien en deçà de quelque chose de profond.
« Une bite n’a pas de cerveau »
Murphy (Karl Glusman) un américain venu étudier à Paris y rencontre Electra (Aomi Muyock) brune à l’accent prononcé. Ensemble ils consument avidement leur passion de chaque instant et le sexe est au coeur de leur relation. Ils auront rapidement envie d’inviter à joindre leurs ébats une autre femme, jolie et blonde de préférence. La nouvelle voisine Omi (Klara Kristin) correspond au genre et après une amusante discussion pro-vie sur l’avortement, tous trois se retrouvent au lit. “Une bite n’a pas de cerveau” sera la réflexion que se fera Murphy en milieu de film, évoquant entre autres passades et avec remords ce qui l’avait poussé à revoir sa voisine puis à la mettre enceinte par rupture de préservatif. Au moment où le film commence, Murphy se réveille auprès de Omi et de leur fils, un garçon de deux ans. Flash-back ou rêve érotique, Murphy ne pense plus qu’à Electra qui a disparu de sa vie depuis la trahison.
Il y a curieusement et paradoxalement quelque chose de mièvre, d’affecté, et d’immature incarné dans le cinéma de Gaspar Noé, dans cette vision juvénile et nerveuse du désir et de la passion amoureuse, prenant une forme à la sentimentalité futile pour n’en devenir alors non pas une grande histoire d’amour offerte tangiblement en plat de résistance, mais une grande histoire de sexe aux sentiments sustentés de paroles et de comportements échaudés, excessifs, et inconsistants. Que pouvions-nous attendre de plus d’un film duquel le cinéaste disait déjà : “c’est un film qui fera bander les mecs et pleurer les filles».
Là où nous attendions le porno tapageur, nous retrouvons la lamentable parodie « vie et mort du crétin phallique, victime de sa bite ». De l’intention de filmer les vraies choses, une caméra frontale en 3D braquée sur une vraie queue qui crache du vrai foutre de cette réalité virtuelle dans votre visage à 11h le matin, c’est pour montrer la passion dévorante et les sensations exaltées de deux amants amoureux qui font l’amour. Que nenni. Tout dépendant des individus et du contexte de visionnement il existera ou non un certain plaisir à « voir des corps beaux et jeunes faire l’amour » et prendre du plaisir à l’écran, mais il est déjà nettement moins intéressant de partager cette vision en public. Qui sait, bientôt en plus du pop corn on distribuera aussi les kleenex dans les cinémas de répertoire.
Love de Gaspar Noé, à voir ce jeudi 8 octobre 2015 en ouverture de Temps Ø dans le cadre du Festival du nouveau cinéma:
Séance #17; 20h00; Auditorium Alumni H-110 (Concordia)
Version originale anglaise sous-titrée en français
En reprise ce vendredi 9 octobre 2015, Séance #38
13h30; Cinéma du Parc 2
Version originale anglaise sous-titrée en français
Sortie en salles prévue le 27 novembre