C’est le Ballet national du Canada, de retour à Montréal pour trois soirs, qui a ouvert la 18e saison de Danse Danse jeudi dernier. Au programme, trois prestigieuses oeuvres issues de l’univers du ballet contemporain ont été présentées sur la scène du théâtre Maisonneuve de la Place des arts, montrant à quel point le Ballet national du Canada possède un répertoire diversifié.
Dans un premier temps nous était donnée à voir la pièce the second detail, oeuvre de William Forsythe, dont le fort penchant pour le une esthétique plus classique ne peut être nié. Cette oeuvre, d’abord créée en 1991 pour le Ballet national du Canada et accompagnée par la musique électronique de Thom Willems, a quelque chose d’intemporel et de puissant. Perçue comme avant-gardiste à l’époque, la pièce a été quelque peu remaniée dans son approche, mais a tout conservé de son aspect géométrique et rigoureux. Les danseurs, au nombre de 14, forment des duos et des trios quasi hypnotisants, se retrouvant parfois comme en transe, s’intégrant au décor et s’immobilisant sur des chaises à l’arrière de la scène, avant de recommencer leur manège.
Beau, mais parfois un peu aride, le style de cette pièce rappelle les corps graciles de la statuaire classique. Foisonnant de microchorégraphies simultanément interprétées en petits groupes sur la scène, the second detail essouffle parfois un peu plus qu’elle n’éblouit.
Le deuxième segment du programme triple tire son nom du Spectre de la Rose (1911), un ballet de Michel Fokine initialement conçu pour deux danseurs. Cette chorégraphie, imaginée par Marco Goecke et présentée pour la première fois en 2009, s’inspire de l’histoire d’une femme qui rêve qu’elle danse avec l’esprit d’une rose. Originale et inusitée, cette deuxième partie démultiplie le spectre de la rose, interprété par six danseurs sur une scène souvent très peu éclairée, propice à une ambiance onirique.
La gestuelle fébrile des danseurs contraste avec des intervalles aux accents plus romantiques, exécutés sur des airs de Carl Maria von Weber. Les costumes d’un rouge vif qui accroche l’oeil et le lyrisme apparent du Spectre de la Rose nous donnent l’impression que se joue devant nos yeux un conte de fées dansé, mais lui confère également un aspect comique qui détonne un peu dans l’ensemble…
Finalement, la troisième portion de ce spectacle propose une oeuvre intitulée Chroma, pièce créée en 2006 pour le Royal Ballet, puis interprétée pour une première fois par le Ballet national du Canada en 2010. Du talentueux chorégraphe Wayne McGregor, Chroma reprend l’aspect physique très présent chez cet artiste, misant une fois de plus sur le côté architectural des corps humains. Une sensation de pureté émane de l’oeuvre, grâce aux arabesques fluides des danseurs mises en valeur par les costumes aux couleurs de chair qui viennent non seulement accentuer leurs mouvements, mais également la force de leurs corps musclés. Ici, la distinction des genres importe peu: ni hommes ni femmes, que des interprètes qui nous livrent un message complexe.
La musique est l’oeuvre du Britannique Joby Talbot, qui utilise par ailleurs quelques chansons des White Stripes à travers ses propres compositions. Les éclairages parfois quasi aveuglants de Lucy Carter investissent l’environnement dans lequel les danseurs se meuvent d’une énergie faisant ressortir celles des corps des interprètes.
Si les trois oeuvres présentées dans le cadre de ce programme triple revisitent chacune à leur façon le ballet classique et la danse contemporaine, il va sans dire que McGregor manie le mieux cet amalgame des genres.