Ridley Scott a-t-il retrouvé l’inspiration? Après un Prometheus très largement inférieur à Alien, et quelques années creuses au compteur, le célèbre réalisateur retombe sur ses pieds et présente The Martian, ou ce qui pourrait passer pour la meilleure pub en faveur de la NASA de tous les temps.
L’astronaute Mark Watney est foutu. Laissé pour mort sur la Planète rouge après qu’une tempête surpuissante eut forcé l’évacuation de ses collègues vers leur vaisseau en orbite, et donc l’abandon de leur mission, Watney (Matt Damon) tentera tant bien que mal de survivre en attendant les secours, alors que la Terre entière pleure sa disparition.
Adaptation très majoritairement fidèle au roman du même nom écrit par Andy Weir, The Martian est une lettre d’amour à la science-fiction, mais aussi à la science en général. Rappelant certainement la scène d’Apollo 13 où les astronautes coincés dans l’espace doivent écouter attentivement les instructions des ingénieurs au sol pour construire un nouveau filtre à CO2 afin d’éviter de mourir asphyxiés, le film est une ode à l’ingéniosité humaine. Ainsi, il n’existe pas de solution miracle pour que Watney survive aux quatre ans qu’il croit devoir passer sur Mars avant l’arrivée de la prochaine mission d’exploration. Il devra se « patenter » une porte de sortie, entre autres en faisant pousser des patates sur Mars, mettant ainsi à profit ses talents de botaniste.
Outre l’aspect scientifique agréablement souligné – pas trop d’entourloupettes, ici, d’autant plus que l’auteur du bouquin a consulté la NASA pour s’assurer de ne pas écrire (trop) d’énormités -, The Martian est surtout une oeuvre à visage humain. Point de superhéros au regard et à la mâchoire d’acier. Mark Watney est un homme comme les autres, un homme qui a peur, qui rit, qui sacre, qui s’engueule avec la NASA. On notera d’ailleurs que comparativement au livre, où l’auteur disposait bien entendu d’une importante marge de manoeuvre, le film a réduit le nombre de jurons au minimum. Après tout, il faut respecter la classification 13 ans et plus et protéger les oreilles chastes…
Au-delà de l’aventure en elle-même, The Martian révèle que les astronautes sont aussi humains que le premier quidam. On pourrait avancer, en fait, que Mark Watney est un peu l’équivalent de l’ex-astronaute canadien Chris Hadfield, qui est entre autres devenu célèbre en « expliquant l’espace » à la population en général. Ce sont les petites choses qui font un film (et une histoire), et cela, MM. Weir et Scott l’ont très bien compris. La performance de Matt Damon y est aussi pour beaucoup, lui qui est souvent considéré comme Monsieur Tout-le-monde, ce voisin souriant et sans histoire, ce membre de la « classe moyenne ». Les cinéphiles s’identifient immédiatement à cet homme qui semble si près d’y laisser sa peau à de multiples reprises. Damon joue le quidam moyen, le bon gars sur qui les tuiles s’abattent.
Chapeau aussi à une distribution efficace dans son ensemble, avec des acteurs qui jouent généralement dans leur registre – Jeff Daniels en patron de la NASA, Donald Glover en spécialiste un peu déconnecté, Kristen Wiig en chef des relations publiques contrôlante, etc. Côté visuels, Ridley Scott réussit à créer une atmosphère à la fois distante et confortable. Autant, par exemple, Interstellar s’avérait froid lors des scènes dans l’espace, le vaisseau spatial de nos héros étant écrasé par des planètes titanesques ou des phénomènes astrophysiques d’une ampleur quasiment inconcevable, autant The Martian présente une planète désertique, soit, mais une planète habitée par l’espoir. Mars devient un endroit où l’ingéniosité humaine et la débrouillardise sont désormais présentes, un endroit pratiquement familier.
Bien entendu, qui dit adaptation dit aussi modification. La question de la vulgarité a été abordée un peu plus haut, mais pour un livre aussi cérébral que The Martian, Ridley Scott a dû modifier certains passages et en éliminer carrément d’autres pour être sûr que la fable de Mark Watney passe bien au grand écran. Disparues, donc, plusieurs péripéties et moments de tension du livre. Peut-être à l’excès, d’ailleurs? Mais bon, The Martian n’est pas un récit-catastrophe, ce qui vient jeter un peu de sable dans l’engrenage de ce genre de divertissement. Disparues, aussi, des réflexions sur les processus scientifiques utilisés, et certaines gaffes de l’astronaute. On n’a donc pas droit à Watney qui sort un ordinateur portable à l’extérieur de son abri pour l’utiliser, provoquant le gel immédiat des cristaux liquides de la machine, et donc sa mort électronique. Rien de quoi gâcher le plaisir du film, mais les puristes pourront sans doute dire que « le livre était meilleur ». Meilleur, peut-être, mais la version cinématographique a cela de bon qu’elle alimente déjà l’intérêt du public envers l’exploration spatiale et la NASA. Point de monstres comme dans tant de films de science-fiction, mais plutôt une agence spatiale américaine disposant de moyens incroyables comparativement au piètre état des finances à l’heure actuelle.
Du film, nous pouvons renouer avec l’esprit d’aventure et de découverte qui anime la race humaine. Avec la solidarité qui nous unit, aussi, lorsque nous sommes confrontés à l’adversité.
The Martian est un film qui redonne espoir. L’espoir en la détermination de l’homme, mais aussi en la science et la volonté de comprendre et de découvrir. Ne serait-ce que pour cette raison, le long-métrage est une oeuvre qu’il faut chérir.