La santé mentale a toujours été un sujet particulièrement délicat dans le monde du spectacle. D’autant plus que, normalement, les gens qui sont affecté par de tels problèmes ne sont souvent pas en mesure de donner des précisions sur leurs troubles, ou même de les présenter eux-mêmes sur scène.
Michel-Maxime Legault, en transposant sur les planches la maladie mentale de sa soeur, a dû tenter d’atteindre un équilibre entre le point de vue de sa famille et celui de la soeur en question, sans doute atteinte de schizophrénie, mais disposant encore de moments de lucidité. Ce que nous avons fait, jouée au Théâtre d’Aujourd’hui, est potentiellement l’effort le plus « réaliste » en ce sens. Sa mise en scène, aidée du texte de Pascal Brullemans, offrent une vision humaine de la maladie.
Sur la scène étroite, toute en long de la salle Jean-Claude Germain, Marie-Pier Labrecque délie peu à peu le tissu familial en entraînant avec elle sa mère et son père, toujours aimants mais de plus en plus fatigués, au fur et à mesure que les années et les crises ajoutent au poids qu’ils doivent soutenir. L’heure n’est plus à la peine des premiers jours, mais à la lassitude, voire à l’écoeurement. D’un côté, ils aiment toujours leur fille, mais de l’autre, ils sont pratiquement résignés à ne plus avoir de vie normale en raison des problèmes de santé mentale de cette dernière. Et qui oserait leur donner tort? Il en va de même pour toute maladie incurable ou dégénérative: avec le temps, la maladie de l’autre devient un boulet, et on peut se prendre à espérer être débarrassé de toute cette pression, de cette peine constante.
Mais qu’en est-il des qualités artistiques de la pièce? Impossible de nier le talent d’actrice de Marie-Pier Labrecque, qui semble véritablement habitée par son personnage. Parmi les autres rôles, celui du père, interprété par Robert Lalonde, permet d’entrevoir une importante gamme d’émotions à l’aide de son seul registre vocal. Alors que la mère (Sylvie Drapeau) verse davantage dans l’émission, Lalonde semble résigné, défait. « Le téléphone va toujours sonner », lâche-t-il, alors que son épouse désire lui organiser une fête pour sa retraite.
Impossible, néanmoins, de s’empêcher de penser qu’en créant Ce que nous avons fait, le metteur en scène Michel-Maxime Legault a trouvé un exutoire pour sa peine, et que la pièce existe surtout pour lui permettre d’évacuer sa douleur, plutôt qu’à l’intention des spectateurs. La pièce est bonne, certes, mais au-delà de l’aspect novateur de l’intégration « directe » de la maladie mentale dans la trame narrative, l’oeuvre ne se démarque pas particulièrement de ce qui a été produit par le passé. Les problèmes de santé mentale sont-ils galvaudés au théâtre? Bonne question.
Ce que nous avons fait, de Pascal Brullemans, mise en scène de Michel-Maxime Legault. Avec Sylvie Drapeau, Marie-Pier Labrecque, Robert Lalonde et Michel-Maxime Legault. Présentée à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 17 octobre.