L’architecte Álvaro Siza a fait don d’une grande partie de ses archives au Centre canadien de l’architecture (CCA) à Montréal. Les expositions Le processus SAAL du 12 mai au 4 octobre et Coins, îlot, quartier, villes du 24 septembre au 7 février permettent aux visiteurs de reconstruire son parcours de Lisbonne à La Haye à la défense du droit à la ville.
Au Portugal, sur le relief montagneux des rives du Tage où se trouve la capitale portugaise et sur la côte tout aussi abrupte des environs de la ville de Porto au nord, le besoin de logement social pour les populations défavorisées est pressant au début des années 1970. On y trouve des bidonvilles, des quartiers isolés avec peu de mobilité sociale et des situations alarmantes. On constate que plusieurs habitants auraient occupé des grottes dans le flanc d’une colline dans un quartier de Lisbonne. Une vidéo nous montre un village où les pêcheurs déplacent leur maison à bout de bras sur la plage.
Les brigades techniques menées par des architectes, dont Álvaro Siza, dans le cadre du Service ambulant de soutien local (SAAL) mis sur pied par le gouvernement socialiste temporaire à la suite de la révolution portugaise du 25 avril 1974, doit relever le défi de réaménager le territoire et de construire des habitations viables. À l’inverse de la table rase conventionnelle où l’architecte décide de tout, le SAAL procède à des consultations populaires allant jusqu’à 200 personnes. Sans tenir compte des querelles de voisins, une ouverture d’esprit et une franchise règnent chez les habitants, se souvient un membre dans une vidéo. En somme, le SAAL a produit 170 projets impliquant plus de 40 000 familles en 26 mois d’existence.
Le modèle participatif altérant la planification urbaine et le rôle social et politique de l’architecte est le processus qu’on retire de cette expérience communautaire. Si à travers l’exposition, on situe les projets du SAAL par rapport à l’avant-garde russe au moment où l’émergence de la société soviétique remodelait son environnement conformément à son idéologie, on souligne l’intervention de l’OTAN pour contrer cet engouement « de gauche ». Le porte-avions américain Saratoga jette l’ancre face au Palais national de Belém en 1975, en banlieue de Lisbonne, pour dissuader le parti communiste portugais. Alors que le magazine Time a cintré les trois chefs d’une faucille jaune sur un fond rouge sur sa page couverture.
Vers le nord de l’Europe
Álvaro Siza exporte son expertise du Portugal où le logement est conçu tant à l’échelle du quartier que dans l’historicité de la ville. Il concrétise les projets Bonjour Tristesse (1982 à 1983) à Berlin et Punt en Komma (1986 à 1989) à La Haye. « Ces deux projets proposent des modèles possibles d’architecture urbaine à une époque où la ville du 21e siècle est dans son essence, une fois de plus, en grande mutation », explique le conservateur en Architecture contemporaine au CCA, Eszter Steierhoffer.
À la conférence d’Álvaro Siza qui se déroulait le 24 septembre au CCA, l’auditoire s’entassait dans deux pièces supplémentaires. L’auditorium était plein.
L’architecte expliquait que pour le projet à Berlin, il ne voulait pas reproduire l’angle droit des immeubles avoisinants au coin du quadrilatère. C’est pourquoi l’angle de son édifice est arrondi. Une photographie nous montre que cette courbe s’harmonise avec celle du rail d’un train aérien. Álvaro Siza nous a surtout entretenus sur son projet à La Haye. Il a insisté sur l’importance du dialogue en architecture. Il devait employer l’anglais pour communiquer avec les Hollandais et la communauté d’immigrants qui vit dans les immeubles qu’il a modifiés.
Malheureusement, l’accent portugais marqué et probablement la fatigue de l’architecte âgé qui faisait escale à Montréal, entre deux conférences à New York et à Toronto, rendaient son propos presque inaudible. N’empêche que parmi l’auditoire on pouvait compter les déserteurs sur les doigts d’une main.