Le québécois Denis Villeneuve a toujours été un cinéaste fort talentueux, ce qui n’est pas pour rien que son expertise attire l’attention partout autour du monde. Avec son plus récent long-métrage Sicario, qui a été sélectionné en compétition officielle du prestigieux Festival de Cannes, on peut dire qu’il trouve aisément sa mise en scène la plus léchée à ce jour dans un thriller tendu qui aura de quoi prendre en otage les nerfs de ses spectateurs.
La scène d’ouverture est spectaculaire et tout ce qu’il faut surveiller dans le film s’y trouve ou presque. La précision de son montage, de sa direction photo signée le remarquable Roger Deakins et celle de l’angoissante trame sonore de Jóhann Jóhannsson captent le ton que le film saura imposer durant ses deux angoissantes heures. Mieux, la fascination du cinéaste pour les personnages féminins continue de payer et, c’est sous le regard fragile, courageux et convaincant de la toujours ravissante Emily Blunt que le film trouve son centre à la solidité essentielle.
Puisque voilà, la douce se retrouve en territoires hostiles lorsque des services secrets, mais évidents, l’invitent à rejoindre leurs rangs dans les opérations visant à mettre un terme aux activités illicites et violentes des cartels mexicains. Face à son méthodisme qui aime suivre les règles, elle devra tenter de mettre son résonnement de côté alors qu’elle fera face à un monde où aucune loi ne semble s’appliquer et où tout se déroule décidément très vite.
Pour son deuxième long-métrage américain, Villeneuve continue de démontrer son aisance à diriger de grands comédiens et à les mener vers des territoires éprouvants. Il sait également tirer ses épingles du jeu par le biais d’une mise en scène calculée qui arrive presque à faire oublier les multiples failles de son scénario qui se jouent de nombreux fils blancs pour arriver à ses fins attendues. Moins tiré par les cheveux que le dernier acte de Prisonners, le film évite d’ailleurs une durée trop longue, trouvant le moyen de repousser les limites de la tension, Sicario est une œuvre forte qui sait placer notre québécois parmi les plus grands, son long-métrage évoquant à de nombreuses reprises le travail de Kathryn Bigelow sur Zero Dark Thirty.
Si l’histoire présentée en parallèle ne s’avérera pas des plus convaincantes et ne disposera pas de la poésie d’un Timbuktu par exemple, trop didactique dans sa façon de construire sa finale, on saluera l’expertise des scènes d’action et le choix remarquable du découpage technique qui trouvera toujours une façon surprenante de situer la caméra, donc le regard du spectateur. En favorisant une coopération entre le mouvement et la mobilité, tout comme d’une sobriété des couleurs et de la composition des plans pour contredire la dureté des images, Sicario s’avérera d’une grande puissance, ce, à plus d’une reprise.
Bien sûr, Benicio Del Toro et Josh Brolin peuvent aisément être mentionnés au passage puisque leurs performances ne passent certainement pas inaperçues, mais derrière Blunt et l’excellence de la mise en scène du cinéaste qui tire grandement avantage de ses moyens, ils n’ont aucune chance. Comme quoi Sicario s’approche de ce qu’on pourrait qualifier de pièce maîtresse dans sa façon d’injecter avec vigueur un regard sans concession sur un univers qu’on aime taire, mais qui est pourtant si près. Dans sa façon de violemment mélanger ce qui est noir et ce qui est blanc, ce qui est bon et ce qui est méchant, et d’utiliser la confusion comme langage premier, le film frappe fort et on le remercie, plaçant le spectateur au premier rang de la corruption, qu’on le souhaite ou non.
8/10
Sicario arrive en sortie limitée ce vendredi 25 septembre et partout au Québec dès le vendredi 2 octobre.