Une famille déchirée, des manigances politiques, des coups de poignard dans le dos, un empoisonnement… Le programme de Simon Boccanegra de Verdi, joué pour une première fois à l’Opéra de Montréal, promettait d’être haut en couleurs. Si la lecture du programme devient pratiquement un incontournable pour saisir toutes les subtilités de l’intrigue, c’est cette complexité du scénario qui donne à Simon Boccanegra toute sa beauté, particulièrement au niveau des chants, torturés et magnifiques.
Ah, qu’elle est dure, la vie à Gênes! Simon Boccanegra (Alberto Gazale, puissant et impressionnant), corsaire italien, vient tout juste de repousser les pirates africains des côtes génoises. Alors qu’on vient de lui offrir le poste de Doge de la ville – magouille politique orchestrée par Paolo Albiani (Daniel Sutin) – il se voit refuser la main de la fille de Jacopo Fiesco (Burak Bilgili), avec qui il a déjà un enfant. S’ensuivra un tourbillon politico-amoureux qui culminera près de 30 ans plus tard… Si l’on a véritablement l’impression d’assister à un thriller politique chanté, autant de rebondissements vient malheureusement quelques fois nuire à la concentration du spectateur, occupé à faire l’aller-retour entre l’action sur scène et les surtitres.
Exception faite de ce petit tracas temporaire, la distribution de Simon Boccanegra n’a rien à se reprocher. On a d’ailleurs droit à un environnement sonore aux extrêmes, la douce voix de la soprano Hiromi Omura, dans les rôle de Maria Boccanegra et d’Amelia Grimaldi tranchant nettement avec les rôles masculins, qui comprennent deux barytons, un basse et un ténor. Hiromi Omura a d’ailleurs plusieurs beaux tours de chant, en solo ou en duo avec Roberto De Biasio, qui joue le rôle de Gabriele Adorno, son amant.
Pour le reste, le public a droit à une excellente performance d’Alberto Gazale dans le rôle titre. Sa voix grave et puissante porte fortement toute la fierté, le courage, mais aussi l’amour et le désespoir de ce personnage tiraillé par ses ambitions politiques et son amour pour sa fille retrouvée. À peine pourrait-on dénoter quelques courts moments où les voix des chanteurs sont ensevelies sous la musique de l’orchestre. Conséquence, peut-être, d’un registre de voix trop grave?
Dans l’ensemble, Simon Boccanegra est un magnifique opéra, et son scénario, s’il a bien entendu vieilli depuis sa création, en 1857, continue d’être envoûtant et accrocheur.
Simon Boccanegra, à l’Opéra de Montréal, jusqu’au 25 mars.