En cette époque où l’information est devenue un gigantesque raz-de-marée déferlant sur tout et partout, sans laisser de place (ou si peu) à l’analyse et à la réflexion, il est parfois bon de prendre du recul et de s’interroger sur l’orientation que doit prendre le journalisme. À l’ère de Facebook, de la messagerie instantanée et de la pensée philosophique en 140 caractères ou moins, une poignée de collaborateurs du Devoir se sont réunis dans le cadre du colloque Le Devoir: la quête du sens à l’heure du Web 2.0 pour discuter de l’orientation que devrait prendre le média imprimé pour s’adapter aux changements technologiques actuels.
Devant un parterre majoritairement composé d’étudiants, quelques pontes du Devoir ont profité de cet événement, organisé au Coeur des sciences de l’UQAM, pour exposer leur point de vue sur l’adaptation du journalisme traditionnel au phénomène du Web 2.0, où tout un chacun peut non seulement accéder en quelques clics à une quantité astronomique d’information gratuite, mais peut également donner son avis en tout impunité, court-circuitant les médias traditionnels par la même occasion.
Qu’à cela ne tienne, Le Devoir garde le cap. Le quotidien, qui a fait il y a longtemps le pari de réserver une partie de son contenu en ligne à ses abonnés payants, « va bien », affirme Josée Boileau. La directrice de l’information du journal s’est d’ailleurs lancée dans une défense soutenue de la rigueur journalistique, décriant l’absence de vérification des faits, une pratique de plus en plus courante dans les services de nouvelles continues, selon elle. L’objectif à atteindre? « Ne pas trahir la confiance des gens », ce qui implique engager « des journalistes qui ont de la profondeur ».
Même son de cloche du côté de son patron Bernard Descôteaux, directeur du Devoir. À ses yeux, si Internet « permet de partager le magister de l’opinion publique », c’est aussi « souvent n’importe quoi ». Qualifiant les dernières années de période de mutations très profondes, M. Descôteaux a réaffirmé la nécessité que la presse écrite s’adapte à cette réalité, un changement facilité par les jeunes journalistes, croit-il. Toujours selon lui, le journalisme doit dépasser le simple compte-rendu de la nouvelle et ainsi aller au-delà de l’événement.
Quelles solutions?
Les pistes de sortie ont tardé à venir, alors que se succédaient les intervenants. Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et collaborateur du Devoir, Brian Myles, a livré un vibrant plaidoyer pour un journalisme libre de toute entrave commerciale et une absence de comptes à rendre à toute institution. Il a cependant soulevé la question de l’intervention étatique dans le financement des journaux, une option de plus en plus discutée dans les milieux médiatiques, particulièrement aux États-Unis. C’est d’ailleurs au pays de l’Oncle Sam que la crise des médias a frappé le plus durement; « l’an dernier, explique Brian Myles, il ne se passait pas une semaine sans qu’un journal ferme ses portes, c’était l’hécatombe ». Craignant que l’information tendent vers un cloisonnement de l’information générale et des nouvelles de niche avec une information périmée en cinq minutes, le président de la FPJQ s’est désolé du développement récent de l’outil informatique Smart Monkey, un logiciel pouvant compiler des statistiques sportives pour ensuite produire un texte pouvant être directement imprimé ou publié. « Il y a péril en la demeure », croit Brian Myles.
Quid d’un nouveau modèle d’affaires, dans ce cas? Même s’il affirme que « la FPJQ se questionne à ce propos », Brian Myles ne peut que proposer d’encourager les jeunes journalistes, mieux adaptés, à ses dires, aux conditions technologiques essentielles à la pratique du journalisme de nos jours, à produire du contenu, à s’ouvrir un blogue, à faire circuler des textes. « Vous pouvez prendre des risques. »