La foule se pressait, mardi soir, chez Edgar Hypertaverne, pour le lancement du livre Des jeunes et l’avenir du Québec – Les rêveries d’un promeneur solitaire. Publié aux éditions Les Malins, ce livre, écrit par Paul St-Pierre Plamondon, se veut « un électrochoc pour changer le système politique québécois », dixit l’auteur.
Avocat de formation, l’auteur explique avoir choisi, il y a deux ans, de se consacrer à ce qu’il nomme « une crise de la démocratie » au Québec. De concert avec le collectif Génération d’idées, qui se penche sur les enjeux politiques et démocratiques de la société québécoise vu par les membres de la génération Y, Paul St-Pierre Plamondon a donc parcouru la province, organisant des rencontres où les participants étaient invités à donner leur avis sur l’état de la société politique québécoise.
De cette tournée québécoise – d’où Montréal est étrangement absente -, l’auteur se dit surpris de l’intérêt des gens de la génération Y à la chose politique; selon lui, leur désintéressement de la vie politique s’explique par leur envie de s’impliquer ailleurs. « Les Y ne se foutent pas de la vie politique du Québec, contrairement à ce que l’on peut penser, affirme-t-il, ils choisissent sciemment de mettre leurs énergies dans d’autres choses, car ils sont déçus du système. »
Le bouquin
Ce désengagement des jeunes du processus politique et social québécois, comparé à un « suicide politique » par Paul St-Pierre Plamondon, est décrit comme étant causé par la multiplication des scandales sur la scène politique, le tout doublé d’un engorgement et d’un vieillissement des formations politiques, sans oublier l’éloignement des idéaux de la Révolution tranquille. Si le pronostic n’est pas nouveau, la façon d’aborder le problème se démarque par son originalité. Les réponses des jeunes adultes des différentes régions québécoise ont d’ailleurs de quoi surprendre; plus transparence, d’imputabilité et de comptes à rendre à la population.
À cet effet, l’auteur propose plusieurs pistes de réflexion: on parle ici, entre autres, de l’abandon du financement privé des partis politiques, d’une réforme du mode de scrutin, de l’imposition de codes d’éthique passablement plus contraignants aux politiciens et magistrats, ainsi qu’une plus grande indépendance – voire une dissociation complète – de la ligne de parti.
Imputabilité et faisabilité
Bien qu’il s’agisse là d’idées fort intéressantes, et qui pourraient effectivement raviver l’intérêt que les jeunes (et moins jeunes) portent à la politique, la plupart de ces solutions sont soit inapplicables, soit excessivement difficiles à mettre en oeuvre. Le respect de la ligne de parti, tout d’abord, est particulièrement important aux niveaux provincial et fédéral. Les électeurs ne votent-ils d’ailleurs pas tout d’abord pour un parti, avant de voter pour un député? Il reste bien sûr le choix de se présenter en indépendant, mais ce sont les grands idéaux qui meuvent un parti politique, non pas les initiatives personnelles. Le fait, comme l’explique l’auteur du livre, de rendre indépendants les députés afin de les rapprocher des considérations de leurs citoyens, pourrait sans doute fonctionner au niveau municipal, mais les échelons supérieurs de pouvoir sont inaccessibles dans cette optique. À quoi bon, d’ailleurs, former un parti politique si chacun est libre de faire ce qui lui plaît?
Si les idées concernant la transparence des hommes politiques et l’imputabilité à laquelle ils devraient être soumis sont techniquement sans défaut, l’application de mesures plus corsées est malheureusement reliée à la bonne volonté du gouvernement; avec les scandales que la dernière campagne municipale a connu un peu partout au Québec et le refus obstiné du gouvernement Charest d’instaurer une commission d’enquête publique dans le domaine de la construction, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Paul St-Pierre Plamondon s’épanche d’ailleurs longuement sur la question de la corruption, et l’identifie d’ailleurs comme l’un des deux principaux facteurs du dérapage des idéaux de la Révolution tranquille, l’autre étant l’implication démesurée de l’État dans les questions de l’ordre de l’identité nationale, au détriment des autres besoins de la population.
Si l’on laisse ce second aspect de côté, la question de la corruption soulève une interrogation tout simple: la population est-elle davantage scandalisée par le fait que les élites politiques soient corrompues jusqu’à un certain point, ou parce que cet état de fait a été mis au jour et rendu public? Il n’est bien entendu pas question de faire ici l’apologie de la corruption, mais le fait de dénoncer ces conflits d’intérêts (le mot est faible) de plusieurs de nos politiciens est malgré tout une bonne action, plutôt qu’un problème. Certes, il faut ensuite veiller à ce que le système soit « nettoyé », mais les électeurs ont sans aucun doute réagi dans le mauvais sens en délaissant les urnes lors des dernières élections municipales, plutôt qu’en votant pour élire un parti ou des députés non entachés par ces scandales.
Bonnes intentions
Si Paul St-Pierre Plamondon réussit, en quelques pages, à dresser un portrait relativement complet de l’état d’esprit politique des gens de la génération Y, ses suggestions sont loin de pouvoir uniquement s’appliquer aux jeunes adultes de la province. Ce que Des jeunes et l’avenir du Québec expose plutôt la faillite des idéaux de la Révolution tranquille et l’apaisement de la génération X sur le plan politique. Serions-nous prêt pour une nouvelle Révolution?