Si le milieu de la presse écrite québécoise souffre à sa façon de la crise des médias qui affecte ses homologues américains ou européens, il lui manquait une volonté d’introspection, un désir de dresser un portrait de la situation.
C’est désormais chose faite, puisque la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, a annoncé qu’elle confiait à la journaliste Dominique Payette le mandat de mener une analyse sur l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques.
Annoncée lors de la soirée inaugurale du congrès de la Fédération professionnelle des journalistes en novembre 2009, cette affectation portera sur cinq différents points, dont l’accessibilité et la diversité des sources d’information locales et régionales, un aspect qui concerne, entre autres, les médias communautaires, souvent seuls fournisseurs de contenu local dans certaines régions.
Et les médias communautaires?
L’Association des médias écrits communautaires du Québec a d’ailleurs commandé, en collaboration avec des représentants de la télévision et de la radio communautaires, une étude sur l’avenir des médias communautaires et leurs perspectives d’avenir. Une copie de cette enquête, dont les conclusions devraient être disponibles ce printemps, sera remise à Mme Payette.
Au-delà de l’annonce de la ministre Saint-Pierre, il faut néanmoins se demander si une telle initiative est suffisante pour rassurer les artisans du milieu, échaudés par les nombreuses mauvaises nouvelles qui ont affecté le domaine depuis plus d’un an. Que l’on pense à la fermeture de la salle des nouvelles de l’ex-TQS, aux coupures massives de Radio-Canada ou au lock-out des employés du Journal de Montréal, le climat est lourd dans les salles de nouvelles de la métropole, sans oublier un peu partout ailleurs au Québec, les décisions prises par les entreprises d’information à Montréal affectant souvent l’ensemble de leurs bureaux régionaux.
Madame Payette aura donc fort à faire pour ramener l’optimisme au sein de la communauté journalistique.
Faux départ
Il ne faut pas non plus se montrer excessivement enthousiaste face à cette initiative. En 2003, un rapport déposé par le Comité conseil sur la qualité et la diversité de l’information avait suscité un tollé auprès des acteurs majeurs du milieu.
Commandé par la ministre de la Culture et des Communications de l’époque, Diane Lemieux, ce rapport préconisait principalement l’adoption d’une loi sur l’information, affirmant ainsi le droit du public à l’information et établissant un certain nombre d’exigences, dont l’obligation pour les entreprises de presse d’adopter un code de déontologie, de divulguer la liste de leurs administrateurs, l’état de leurs revenus et dépenses, ou encore la proportion de leurs revenus consacrée à la rédaction.
Ce comité proposait également la création d’un conseil de l’information, une structure relevant de l’Assemblée nationale dont le mandat serait relativement large. Ce conseil devrait pouvoir recevoir les déclarations des entreprises, surveiller leurs engagements, en plus de servir d’observatoire des médias et élaborer une charte de l’information, c’est-à-dire un programme d’aide à la presse indépendante qui serait financé, entre autres, par des droits compensatoires sur les revenus publicitaires des entreprises de presse.
Trop audacieux ? Déconnecté de la réalité ? Toujours est-il que le rapport du comité, une fois remis à la ministre, fut voué aux gémonies par de nombreux acteurs majeurs du milieu, dont la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et le Conseil du Québec. Anne-Marie Dussault, de la FPJQ, dénonçait justement à l’époque «un effort de réflexion qu’on peut saluer», mais dont l’essentiel des propositions «est inacceptable».
Cette sortie publique, qui en l’essence spécifiait que «la qualité et la diversité de l’information sont la responsabilité des journalistes, et non pas de l’État», ne fut que l’un des nombreux commentaires en défaveur des conclusions du comité. La ministre elle-même, une semaine après le dépôt du rapport, affirmait qu’il n’était «pas question d’une loi sur l’information ou d’un conseil sur l’information pour le moment».
La prudence est donc de rigueur aujourd’hui, même si l’annonce de la ministre Saint-Pierre démontre l’intérêt que le gouvernement québécois porte à la crise des médias. Le fait que madame Saint-Pierre soit une ancienne journaliste de Radio-Canada n’y est sans doute pas pour rien.
Prendre exemple sur nos cousins
Madame Payette pourra certainement s’inspirer de l’exemple français, où les États généraux de la presse française ont donné lieu à de passionnantes discussions et remises en question au sein des médias de l’Hexagone. Plusieurs intellectuels et personnages clés de la presse française ont d’ailleurs présenté un volumineux livre vert de 68 pages sur la question, qui explore en détail les tenants et les aboutissants de la crise médiatique, telle que vécue par les journaux français.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les médias communautaires seront également touchés par les conclusions de cette étude, en particulier les journaux. Diminution des revenus publicitaires, passage à l’Internet, préparation de la relève, etc. Les défis sont grands pour les médias écrits communautaires du Québec, et les moyens sont souvent limités.
Malgré tout, les réponses apportées par la démarche de Madame Dominique Payette, ainsi que par l’étude financée par l’AMECQ et ses partenaires de la télévision et de la radio communautaire, devraient paver la voie vers une information locale de meilleure qualité, plus près des gens et davantage rentable.