Si Chambre(s), présentée hier en première au Théâtre de Quat’Sous livrait l’émotion, on peut assurément dire que L’imposture, jouée au Théâtre du Nouveau Monde ce soir, livrait le texte. Un texte de déchirement, d’abandon, d’absolu, le tout centré sur la prose, cette ingrate qui trop souvent prend mais ne donne rien.
Lorsqu’une mère perd tout pour ne s’accrocher qu’à ses livres, comment peut-elle vivre ailleurs qu’entre des pages? C’est la question posée par Evelyne de la Chenelière, qui a écrit le texte de L’imposture. Eve – Violette Chauveau, puissante, vraie – , mère de famille mais surtout écrivaine à succès, peine à sortir de son isolement glorifié d’artiste pour véritablement contempler la réalité, et se rendre compte que tout ce sur quoi elle a bâti son existence part lentement en lambeaux. Aveuglée par son obsession de la réussite, elle pousse constamment son fils, Léo – magnifique Francis Ducharme – à devenir ce qu’il n’est pas, jusqu’à le pousser à prendre pour sien un livre qu’il n’a pas écrit.
Autour de la relation mère-fils gravite la soeur négligée, Justine. Cette dernière fait l’objet d’une performance remarquable par Sophie Cadieux, qui occupe ici un contre-emploi exceptionnellement réussi. Même celui qui deviendra son pusher, Erwin Weche, tire bien son épingle du jeu.
Si L’imposture souffre d’une faiblesse, c’est peut-être de s’imposer un cadre trop rigide. La reprise de différentes scènes sous plusieurs angles (bon choix que ces objets de décor mobiles) n’apporte pas toujours des précisions essentielles, et le tout vient quelque peu alourdir la pièce.
La richesse des dialogues, la profondeur des textes, l’interprétation des acteurs (comme cette vivifiante performance de David Boutin) font de L’imposture une excellente pièce, voire même une grande pièce qui s’inscrit, diront certains, dans la continuité de J’ai tué ma mère de Xavier Dolan.
À voir.
L’imposture, d’Evelyne de la Chenelière, mise en scène d’Alice Ronfard
1h40 sans entracte, jusqu’au 12 décembre au TNM