« Laissez votre tête au vestiaire » – voilà l’avertissement affiché tout près de la porte d’entrée de la salle du théâtre de Quat’sous, lors de la première de la pièce Chambre(s). Toute votre tête sera cependant nécessaire pour saisir les subtilités de cette pièce qui n’en est pas tout à fait une.
Théâtre, mais aussi danse, chant, musique… Chambre(s) est avant tout une oeuvre multidisciplinaire qui frappe, étonne, étourdit, dérange. La création d’Éric Jean, son « oeuvre la plus personnelle », comme il le dit lui-même, laisse quelque peu pantois les spectateurs, lorsque tout s’achève.
Sept comédiens se présentent sur scène, sept réalités, sept vies qui se déclinent non pas en une pièce, mais en une multitude de scènes, parfois reliées entre elles, parfois décousues. Au travers de toutes ces perspectives d’existence, chacun tâchera de rejeter les symboles de son appartenance au jeu pour redevenir lui-même.
Le metteur en scène Éric Jean, qui est aussi responsable de l’écriture scénique, de la dramaturgie et du texte avec Pascal Chevarie, réussit une fascinante intégration des acteurs à la pièce; ils et elles se jouent en fait eux-mêmes. Dès là, le texte semble se mêler à l’improvisation, et on peut difficilement faire la part des choses entre ce qui semble vrai, et ce qui est faux. Une autre façon de démontrer l’intégration des différents aspects de la vie, sur scène ou dans la rue.
La pièce accroche cependant quelque peu; on a souvent droit à de magnifiques dialogues empreints d’émotion, dialogues qui sont alors subitement coupés par de la musique stridente et fortement rythmée. Bien sûr, Chambre(s) est en fait un plongeon dans l’esprit du créateur; néanmoins, le passage rapide déconcerte, et tend à briser le lien entre le spectateur et le spectacle.
Dommage, aussi, que cette pièce donne l’impression de dresser un mur transparent entre la réalité vécue sur scène et celle vécue dans la salle. On ne peut jamais tout à fait s’intégrer à la réalité projetée par Éric Jean, nous empêchant du coup d’apprécier le tout à sa juste valeur.
Pourtant, les comédiens brisent merveilleusement bien ce quatrième mur, lorsqu’ils s’adressent au public.
Chambre(s), une pièce d’Éric Jean et de Pascal Chevarie, présentée au Théâtre de Quat’Sous, jusqu’au 19 décembre.