La 10e édition du festival MUTEK s’ouvrait hier avec, du côté plus novateur, la présentation de la première soirée Play, une série de séances d’expérimentation musicale rassemblant près d’une trentaine de DJs jusqu’à vendredi.
Au programme hier, « expérimentation analogue et électronique, musique singulière pour oreilles aventureuses ». Ce qui n’est pas peu dire.
Le décor est d’abord minimaliste. La foule est – littéralement – rassemblée dans une arrière-salle du Monument National; sur place, l’équipement des musiciens, un assemblage hétéroclite d’instruments analogiques et d’appareils en tous genres, et quelques chaises pour les spectateurs. Difficile de faire mieux en termes d’ambiance intimiste.
La première artiste, anne-f, brise le silence avec un son sourd, sorte de grondement de bête qui s’éveille. Sa prestation, d’une durée d’une quinzaine de minutes, dérange. Frottements, raclements, bruits de distortion, on aurait tendance à croire que la machine s’est détraquée, que quelque chose est cassé. Le tout était relativement peu agréable à l’oreille. Vers la fin, cependant, on distinguait l’émergence d’une structure mélodique, un rythme lent, lancinant.
La construction rythmique trouve heureusement preneuse en la personne de Darsha Hewitt, qui s’en donne alors à coeur joie avec diverses pièces électroniques. Le style est plus soutenu, plus structuré, on a moins l’impression de se faire écorcher les oreilles par quelqu’un s’amusant à provoquer des retours de son avec un micro. Le rythme est accrocheur, et le journaliste se prend à hocher la tête en cadence. L’artiste joue sur la distortion et la statique, mais ça en devient agréable, on a la sensation d’assister à l’apparition d’une organicité de l’électronique. On entend pratiquement le coeur du monstre battre, sa cage thoracique se soulever lorsqu’il respire.
La troisième artiste, Nancy Tobin, repart sur une base simple. Un son sourd, puissant, grave. Le spectateur l’entend davantage dans ses tripes que dans ses oreilles. Puis la « mélodie » embarque. Un beat accrocheur, comme en témoignait les nombreux auditeurs qui hochaient la tête en cadence. Un son moins élaboré, moins construit que celui de Darsha Hewitt, cependant. L’artiste avait l’air de tripper, pourtant.
Les spectacles Play semblent difficiles d’approche au premier abord, mais valent la peine pour tous ceux qui veulent découvrir un son électronique qui sort des sentiers battus.
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Sur les tables disposées en « u » dans un coin sombre, côté jardin des coulisses du Monument national, des consoles et des circuits. Toutes sortes de machines, de boutons, des fils multicolores. Et puis des objets inusités: jouets d’enfant, radio sortie tout droit d’une carte postale des années 1960, cloches métalliques et autres butins patiemment assemblés par la dizaine d’artistes-improvisateurs montréalais participant à cette première soirée Play, présentée dans le cadre du festival Mutek.
Bientôt, ce bric-à-brac s’anime sous les doigts d’Anne F, musicienne à l’allure gamine. En transe, elle tire de son dispositif électronique un bourdonnement grave ponctué d’interférence stridente. Dans l’assistance, pas un souffle: on regarde, médusés, ce petit bout de femme qui génère tant de bruit. Fin de performance, le relais est passé à une autre artiste, Darsha Hewitt. Un autre style, un autre son, rythmé et frénétique. Les artistes s’enchaîneront ainsi pendant quatre heures, collaborant parfois spontanément, s’invitant les uns les autres avec un plaisir manifeste.
Que l’on aime ou pas le résultat, qui oscille selon l’interprète entre la déconstruction la plus totale et l’électronica, ces amalgames de fréquences artificielles, de sons métalliques et d’échantillonnage fascinent et intriguent. Ils entraînent aussi dans leur sillage tout un lot de questions. À quel moment le son devient-il musique? Quelle combinaison de vibrations faut-il soumettre à l’oreille pour qu’elle devienne évocatrice, qu’elle engendre images et émotion dans le cerveau du mélomane?
Concoctée par le commissaire Eric Mattson, la série Play se poursuivra ce soir et demain à 22h, au Monument National. Une belle occasion pour les curieux de côtoyer ce qui se fait de plus expérimental en matière d’électroacoustique à Montréal, dans un contexte ludique et collaboratif.
Play 2 : Jeudi 28 mai
Play 3 : Vendredi 29 mai
Restés branchés sur La Pieuvre pour la suite de la couverture du MUTEK !