Le festival international de créativité numérique et de musiques électronique, le Mutek, s’est ouvert hier avec deux prestations simultanées à la SAT et au Monument-National.
Il s’agit de la dixième édition de ce festival à la fine pointe de la musique électronique, pourtant à saveur plus internationale que Montréalaise. En effet, 54% du public de l’année dernière provenait de l’extérieur de Montréal ! Mais il ne faut pas se leurrer, Mutek est bel et bien une tradition de chez nous, transformant le paysage urbain par la présence d’expositions, de projections lumineuses, et surtout par les échos de basses électroniques que le passant errant peut entendre au loin, près du Métropolis, du Monument-National ou encore de la SAT. Pour la prochaine semaine, tout Montréal vibre au rythme d’un hymne aux transistors.
Un festival pour les mordus d’électro, souvent plus obscurs et expérimentaux, sans oublier les rythmes plus hip-hop et reggae, ouvrant ainsi les bras aux musiques du monde. Le grand public connaît encore mal ce petit univers, disons-le, plutôt hermétique. Qu’à cela ne tienne, le tir est corrigé cette année par l’organisation de projections extérieures et de fresques vidéo, notamment aux quais du Vieux-Port.
C’est ainsi qu’une poignée de fidèles s’est réuni hier à la SAT pour Nocturne 1, une performance éclatée, underground, et surtout spatiale ! Une petite armée de cosmonautes, bien emmitouflés dans leur habits aux couleurs rose-bonbon – que le vestiaire distribuait gentiment – observait avec attention ces artistes venus d’une autre planète. On y avait même compartimenté l’espace, selon une hiérarchie de couleurs, chaque petit recoin proposant une activité débridée comme le ping pong-jaune ou le lancer d’avion en papier-bleu…
Une prestation élégante d’Organ Mood, Romain Turzi, Zombie Zombie et Pilooski. Disons-le simplement : Turzi a volé la vedette. Grattant la guitare électrique avec un tournevis (!), les bras enfouis sous un cafouillis de câbles et de boutons, il nous a fait rêver. Il a démontré qu’il existe toujours de la musique électronique « classique ». Pas étonnant que ses albums soient édités par Record Maker, le label personnel du duo français Air. On aime !
Parmi tous ces gens, quel bonheur d’enfin observer de vrais maîtres à l’œuvre, bidouillant le son de manière organique, personnelle, quasi instinctive. Exit les ordinateurs portables et autres instruments froids et impersonnels. De véritables disciples de Jean-Michel Jarre (Oxygène) ou de Tangerine Dream (Sorcerer, Phaedra) rappelant parfois le minimalisme de Kraftwerk. Tous ces artistes ont compris les mérites d’une approche humaine et élégante face à la musique électronique. Une petite montagne de synthétiseurs légendaires comme l’ARP ou le Moog nous entouraient. Les nappes puissantes résonnaient, comme sur l’album Oxygène, cette bible mythique de l’électronique. Oui, il existe toujours des puristes, on en sortira rassuré et heureux d’avoir pu vivre une expérience aussi vintage en dehors du continent européen. Le groupe Zombie Zombie, quant à lui, est l’équivalent de confier un synthétiseur à un musicien hyperactif couplé à un batteur complètement farfelu. Une expérience psychédélique à souhait nous donnant l’impression d’être au milieu d’une jungle.
Ce premier coup d’oeil du festival fut donc une incontestable réussite musicale. Dommage que seuls les puristes et connaisseurs semblaient avoir répondu à l’appel. Pas étonnant d’y avoir croisé tout le gratin de l’électro Montréalais ou les propriétaires du Laïka ! Ce type d’événement se serait bien prêté à une performance extérieure, avec projections et lumières ou plus simplement être livré avec un éclairage plus élaboré. Mais en définitive, le simple fait d’assurer une tribune à des artistes aussi particulier est assurément un grand coup.