Le Yémen a beau continuer d’être déchiré par une sanglante guerre civile qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts jusqu’à maintenant, le pays a également été une terre d’accueil de fortune pour près de 140 000 réfugiés, l’an dernier, a révélé l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Selon l’agence onusienne, le voyage de l’Afrique vers le Yémen demeure « la voie de migration maritime la plus fréquentée au monde ». En moyenne, 11 500 personnes ont effectué ce trajet à tous les mois en 2019.
« Alors que les tragédies le long des routes méditerranéennes sont bien connues, notre personnel témoigne quotidiennement des abus subis par les jeunes de la Corne de l’Afrique aux mains des passeurs et des trafiquants qui exploitent leurs espoirs d’une vie meilleure », a déclaré Mohammed Abdiker, directeur régional de l’OIM pour la Corne de l’Afrique, dans un communiqué.
Plus à l’ouest, pendant la même période, environ 110 000 personnes ont tenté de traverser la mer Méditerranée pour atteindre les côtes de l’Europe. Il s’agirait ainsi, précise l’OIM, de la deuxième année où ce trajet de la Corne de l’Afrique vers le Yémen, sur la péninsule arabique, est plus « populaire » que la route vers la Méditerranée.
L’année précédente, environ 150 000 personnes ont tout risqué pour rejoindre le Yémen, ajoute-t-on.
Toujours selon l’OIM, près de 90% des personnes arrivées au Yémen en 2019 avaient l’intention de poursuivre leur voyage vers l’Arabie saoudite. Souvent originaires des régions rurales d’Oromia, d’Amhara et du Tigré, plus de 90% des personnes faisant le voyage étaient des ressortissants éthiopiens.
Les strictes politiques des pays du Golfe en ce qui concerne les migrants et les nouveaux arrivants, souvent des sans-papiers, n’ont pas semblé réduire l’ardeur des réfugiés et autres demandeurs d’asile.
« Pour arriver au Yémen, ils ont entassé environ 280 d’entre nous dans un seul bateau », a déclaré un Éthiopien de 32 ans dont les propos ont été recueillis par le personnel de l’OIM à Aden, au Yémen. « Il n’y avait pas d’oxygène, et certaines personnes se sont suicidées en se jetant à la mer. »
Parmi les raisons évoquées pour fuir l’Afrique et tenter de trouver une vie meilleure en Arabie saoudite ou dans d’autres pays de la région, les migrants parlent d’insécurité, de violations des droits de la personne, des conditions de vie difficiles, ou encore l’impossibilité de trouver du travail ou des conditions économiques décentes.
Parvenir au Yémen n’est toutefois pas synonyme d’un nouveau départ pour bien des migrants; la torture, les kidnapping, les passages à tabac et autres sévices sont monnaie courante, rapporte l’OIM.
« Quand nous sommes arrivés au Yémen, les passeurs nous ont retenus pendant un mois », a relaté un autre migrant éthiopien de 18 ans, qui indique qu’ils ont été battus, torturés, maltraités et menacés pour obtenir une rançon.
« Ma famille a envoyé 900 dollars américain pour me sauver la vie, alors j’ai été libéré avec d’autres personnes qui avaient payé », a-t-il ajouté.
L’agence onusienne appelle à la mise en place de routes légales de migration vers les pays du Golfe, afin d’améliorer la sécurité des migrants et raccourcir le temps de transit – il peut ainsi s’écouler plusieurs mois entre le départ d’Afrique et une éventuelle arrivée en Arabie saoudite.