L’une des scènes les plus poignantes d’Alexandre le fou, film peut-être légèrement fictif de Pedro Pires, mais qui s’appuie très largement sur une base documentaire, est celle où le personnage principal, joué par un Alexandre Demard qui a bel et bien vécu un épisode de schizophrénie plusieurs années auparavant, écrit une lettre à son fils.
La scène, qui se déroule vers la fin du film (même si cela pourrait être le début), voit notre protagoniste écrire « Ton père » sur l’enveloppe qui contient la lettre en question. Sauf que l’écriture est brouillonne, incertaine. Les dernières lettres du deuxième mot, pourtant un mot facile à écrire, s’emmêlent. Est-ce un moment de paresse de la part du personnage, ou la preuve que la maladie sape peu à peu sa capacité de s’exprimer?
Environ 20 ans après avoir subi une crise de schizophrénie alors qu’il était engagé dans la marine marchande, Alexandre tente tant bien que mal de fonctionner dans un monde qui est toujours fermé aux personnes vivant des problèmes de santé mentale. La dépression? Passe encore. Mais des maladies plus graves? Alexandre a beau être médicamenté, il le dira lui-même: « Même les médecins ne connaissent pas les effets secondaires de tout ce que je prends. »
Déménagé dans un logement d’une résidence spécialisée de Québec, là où cohabitent artistes et gens souffrant de problèmes de santé mentale, mais qui remontent peu à peu la pente, le quadragénaire se mêlera aux autres résidents, tous des gens véritablement touchés par la maladie, avec qui il se liera parfois d’amitié.
Que penser, d’ailleurs, de ces gens qui sont assez sains d’esprit pour vivre à l’extérieur d’une institution psychiatrique ou d’un hôpital, mais qui ne le sont pas suffisamment pour s’intégrer relativement bien à la société? Comment doit-on traiter ces personnes, pour qui il n’existe parfois aucune forme de guérison possible, à l’exception de jouer à l’apprenti-sorcier avec des produits modifiant la chimie de leur cerveau? Ces gens ne sont pas cachés dans des prisons, bien sûr, mais Alexandre, pourtant fonctionnel, est seul, toujours seul. Sa grand-mère aura beau le presser de se trouver une copine, la seule jeune femme qu’il fréquentera, durant le film, est une obsédée des remèdes naturels qui le poussera à tenter de cesser abruptement de prendre ses médicaments.
Objet cinématographique intriguant, film forçant une réflexion tout en subtilité sur la mise à l’écart de ces « fous » que l’on considère pourtant comme étant « normaux », Alexandre le fou avait connu un succès mérité dans le cadre du Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ). Voilà l’oeuvre enfin présentée à Montréal.
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