En physique, l’antimatière est simplement « l’opposé » de la matière. Les particules d’antimatière possèdent la même masse, mais leurs propriétés sont inversées, y compris la charge électrique. Si l’antimatière peut être créée en laboratoire, elle est souvent accompagnée de matière, ce qui entraîne la disparition des deux types de particules et un dégagement d’énergie. Ce qui intrigue, toutefois, c’est que la très grande majorité de l’univers est formé de matière. Pourquoi n’y a-t-il pas de galaxies d’antimatière?
Une équipe de chercheurs dirigés par Christopher Mauger, dans une étude récemment publiée, avance certaines options pouvant faire en partie la lumière sur cet étrange phénomène et répondre à d’autres questions dans le domaine de la physique fondamentale. Dans le cadre du programme Cryogenic Apparatus for Precision Tests of Argon Interactiosn with Neutrino (CAPTAIN), les résultats de l’équipe, publiés dans Physical Review Letters, représentent une première étape importante pour la mise sur pied du Deep Underground Neutrino Experiment (DUNE), une installation expérimentale pour l’étude des neutrinos et de la physique des particules.
Les collisionneurs de particules, comme le large collisionneur de hadrons (LHC), effectuent des expériences avec les quarks, un type de particule élémentaire. Ces tests ont mis au jour des faits expliquant la symétrie matière-antimatière, mais seulement en partie. Des expériences sur d’autres particules, les leptons, portent à croire que ces particules pourraient davantage expliquer l’asymétrie universelle. De précédentes études sur les neutrinos, un genre de leptons, ont permis de révéler des tendances inattendues du côté des trois « types » de neutrinos, des résultats qui, de l’avis des physiciens, pourrait également signifier que cette asymétrie serait plus importante que prévu.
Mais le défi de l’étude des particules est le fait que les neutrinos interagissent rarement avec les autres particules; un neutrino pourrait traverser une couche de plomb longue d’une année-lumière sans interaction. Découvrir ces rares « contacts » pourrait vouloir dire que les chercheurs devraient étudier un grand nombre de neutrinos pendant de longues périodes de temps. De plus, le flux constant de muons (encore une autre particule fondamentale) produit par les radiations cosmiques dans la haute atmosphère terrestre pourrait compliquer la détection des interactions pour les scientifiques.
La solution? Plonger deux kilomètres sous terre, construire quatre détecteurs de 10 kilotonnes chacun remplis d’argon liquide, et y tirer un flux de neutrinos produit par un accélérateur de particules situé à 800 kilomètres de là. Voilà l’éventuel objectif de DUNE. L’excavation du laboratoire est en cours, et les chercheurs doivent compléter quantité de tests avant l’installation du premier détecteur, en 2022.
Tester la théorie
Pour la première publication dans le cadre de CAPTAIN, les chercheurs se sont intéressés à un défi de taille: comment gérer les mesures des interactions avec d’autres particules. Par exemple, lorsqu’un neutrino interagit avec de l’argon, le neutrino emmagasine une charge électrique et dégage des neutrons. Une bonne fraction de l’énergie dégagée par l’interaction sera intégrée par le neutron, mais il n’a pas été possible d’en déterminer la proportion. « Nous devons comprendre les interactions entre argon et neutrons si nous voulons accomplir correctement l’expérience qui aura un impact sur notre compréhension de l’asymétrie entre matière et antimatière », affirme M. Mauger.
Son équipe et lui-même ont construit un prototype d’un détecteur DUNE d’un poids de 400 kilos appelé mini-CAPTAIN, et ont recueilli des données à partir d’un faisceau de neutrons provenant du Laboratoire national de Los Alamos, aux États-Unis.
Dans un futur proche, l’équipe de CAPTAIN se concentrera à raffiner les méthodes développées pour cette récente étude, en plus d’effectuer d’autres tests avant que DUNE ne commence à recueillir des données en 2026. Une fois que le projet aura pris son élan, les chercheurs espèrent se servir des installations pour les aider à répondre à plusieurs questions liés à divers domaines de la physique des particules, de la physique nucléaire, et même de l’astrophysique.
« Les neutrinos sont difficiles à mesurer, quelque peu énigmatiques, et il y a un certain charme à tenter de comprendre comment ils fonctionnent. Étudier cette particule vraiment intéressante qui nous entoure, mais qui est pourtant si difficile à mesurer, et qui pourrait contenir la raison de notre existence… et je fais ça comme travail! », a ajouté M. Mauger.
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