À Barcelone, délaisser la Rambla pour monter le Montjuïc mène à la Fondation Miró. Avec l’exposition Miró à Majorque. Un esprit libre, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) présente jusqu’au 8 septembre la période où l’artiste Joan Miró (1893-1983) travaillait dans son atelier sur l’île méditerranéenne de Majorque au large de la Catalogne.
Au pavillon Pierre Lassonde, l’exposition qui occupe le rez-de-chaussée nous initie à l’intimité du magnifique atelier conçu par l’architecte Josep Lluís Sert afin de mettre en lumière la période de maturité de l’artiste (1956-1983). Puisant dans trois collections regroupant près de 200 peintures, sculptures, œuvres sur papier et une cinquantaine d’artéfacts appartenant au peintre, le MNBAQ a sélectionné des œuvres montrant la création d’un langage visuel inédit et la multiplicité des techniques et matériaux utilisés.
La femme, l’oiseau et l’étoile se combinent sur ses toiles, d’une salle à l’autre, en des variations infinies. «Je ne fais aucune différence entre la peinture et la poésie», a affirmé le peintre qui s’est lié d’amitié avec des écrivains de l’avant-garde dès les années 1920. Joan Miró a illustré plus de deux cents livres dont des poètes français et des écrivains catalans à l’aide de l’estampe : eaux-fortes, pointes sèches, lithographies. Une aquatinte sur plaque de cuivre datant de 1981 découvre une série de symboles semblable à de la biosémiotique.
Le visiteur ne peut contourner le gigantesque tapis déroulé sur le mur sans que son regard ne reste accroché dans l’épaisseur des fibres. Fait de laine, de coton et de jute, l’aspect rugueux de l’œuvre Le Lézard aux plumes d’or (1989-1991) apporte une singularité lourde aux traits, motifs et couleurs vives de ce langage pictural. Issu d’une famille d’artisans, l’artiste était fasciné par le travail des ébénistes, des potiers et des forgerons et il s’est associé à plusieurs reprises avec des praticiens dont Josep Royo pour cette œuvre tissée-ci.
«Je m’efforce d’atteindre de plus en plus le maximum de clarté, de puissance et d’agressivité plastique, c’est-à-dire de provoquer d’abord une sensation physique, pour arriver ensuite à l’âme», a affirmé l’artiste qui s’est également inspiré de la calligraphie japonaise.
L’amplitude de l’ensemble de l’oeuvre de Joan Miró repose probablement sur deux sources aux antipodes : le style direct et l’architecture. Dans le sillon de l’expressionnisme abstrait, l’artiste use de taches, d’éclaboussures et de dégoulinures, en plus de travailler au sol, de peindre avec ses doigts et de laisser des traces de ses interventions. Les formes organiques et grotesques qui deviendront les caractéristiques de son travail sont inspirés de l’œuvre de l’architecte moderniste Antoni Gaudí (1852-1926) rencontré dans un cours de dessin à Barcelone en 1913.
Arrêt spacieux, jusqu’au 8 septembre.