Jusqu’où peut-on jouer sur les codes sociaux pour explorer la question du ressentiment et de la colère? Avec sa pièce Mazal Tov, l’auteur et metteur en scène Marc-André Thibault utilise la question de l’insensibilité pour s’intéresser à la haine, une haine tenace et toxique qui détruit tout ce qu’elle touche.
Lors du mariage d’Isabelle et de Patrick, celui-ci se blesse en voulant effectuer un rituel juif pour plaire à sa future belle-famille. Le meilleur ami de ce dernier, Philippe, pose apparemment un geste franchement inapproprié quelques minutes plus tard, geste qui enclenchera une suite d’événements funestes.
Philippe a-t-il oui ou non effectué un salut nazi lors du départ de l’ambulance emportant Patrick vers l’hôpital? La famille d’Isabelle pense que oui, et une engueulade à ce sujet dans la chambre d’hôpital de Philippe poussera la nouvelle mariée à commettre un geste irréparable: elle frappe Philippe à la nuque, provoquant la chute de celui-ci dans un escalier. Le jeune homme en ressortira tétraplégique.
Commence alors une descente aux enfers pour Philippe, mais aussi pour Patrick et Isabelle. Amitiés détruites, relations envenimées, menaces de poursuites judiciaires puis démarches entamées devant les tribunaux… La pièce produite par le Théâtre Bistouri et présentée au Théâtre Prospero n’hésite pas à attaquer de front la question de la haine et du ressentiment. Peut-on pardonner à une personne qui a détruit notre vie? Autant d’interrogations pour lesquelles Mazal Tov ne vise pas nécessairement à obtenir de réponse, mais ce questionnement, franchement difficile, est absolument nécessaire. Pas de gants blancs, pas de raccourcis… On met le doigt sur le sempiternel bobo. Et ça fait mal.
Ça fait mal, oui, mais Marc-André Thibault a aussi choisi d’émailler sa pièce de quantité de blagues et de malentendus comiques. À un tel point, en fait, qu’on se croirait devant une comédie, voire devant du théâtre d’été. Ce qui n’est pas plus mal, doit-on préciser.
Le hic, c’est que l’aspect dramatique de la pièce entre carrément en collision avec l’aspect humoristique. À un point tel, en fait, que le spectateur ne sait plus trop à quel saint se vouer, et que ce ballottement déstabilise de façon désagréable. S’agit-il d’un problème de rythme? Ou l’auteur voulait-il plutôt justement sortir le public de sa zone de confort? Mystère.
Malgré tout, Mazal Tov est une oeuvre efficace qui explore un sujet trop souvent laissé de côté au profit de considérations portant moins à la confrontation. À voir jusqu’au 9 décembre.