Il y a quelque chose d’intemporel dans le roman Madame Bovary, de Gustave Flaubert. Cette histoire d’une femme désirant plus que tout échapper à une vie ennuyante de province qui se retrouve, bien malgré elle, dans une existante tout aussi vide de sens que celle qu’elle voulait fuir. Voilà pourquoi l’oeuvre, reprise mercredi sous forme théâtrale sur le Plateau-Mont-Royal, donnait encore l’impression d’être au goût du jour.
Le roman, transposé ici sous le nom d’Emma B., est raconté entre les murs du Salon particulier, un espace de création installé dans le sous-sol d’une église coin Bordeaux et Saint-Joseph. Quoi de mieux, d’ailleurs, qu’une salle sentant bon l’immobilisme religieux pour narrer l’immobilisme social et relationnel d’une jeune femme?
Sur les planches, trois comédiennes interprètent tour à tour cette Emma Bovary, née Rouault, qui rêve de jours meilleurs et d’un mari aimant. Rapidement désillusionnée, alors que son époux, Charles, n’est au mieux que spectaculairement quelconque, voilà qu’elle se prend à s’amouracher d’amants de passage, amants qui auront vite fait de larguer cette femme trop sentimentale pour son propre bien.
Mi-drame, mi-pièce à l’humour parfois caustique, Emma B. reprend l’essentiel du texte de Flaubert, tout en l’adaptant pour la scène. Le contenu s’en trouve raccourci, forcément, mais le talent des actrices et celui de l’auteure et de la metteure en scène, Valéry Drapeau, permet de compenser les subtilités qui se perdraient autrement dans la nasse.
Peut-être qu’à trop vouloir rendre l’oeuvre accessible, justement, Emma B. souffrira de quelques longueurs, comme ces minis-tours de chant, ou ces moments où l’on sourcillera en entendant certains spectateurs s’esclaffer à des instants un peu incongrus.
Il n’en reste pas moins que la tentative d’adaptation est noble, et le résultat est tout à fait agréable. À voir, donc, histoire de s’amuser pendant un peu plus d’une heure, et en profiter pour réfléchir sur les normes correspondant à une « vie réussie », deux siècles après cette charge à fond de train contre le carcan social de l’époque.