L’heure était aux expérimentations musicales à la Maison symphonique, alors que le violoniste bien connu Joshua Bell était de passage à Montréal pour non seulement tirer de superbes notes d’un Stradivarius vieux de plusieurs siècles, mais aussi pour jouer – partiellement – le rôle de chef d’orchestre.
Alors que l’on annonçait – en majuscules, s’il vous plaît – que Joshua Bell dirigeant l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) était une première, la proposition avait de quoi susciter la curiosité. Un orchestre sans chef? Aucun problème. Mais un musicien qui partage son temps entre la mélodie et la direction pendant une même pièce? Audacieux, certainement. Quant au reste…
Bref, M. Bell était la tête d’affiche d’un programme regroupant trois compositeurs allemands, Mendelssohn, Max Bruch et Beethoven. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la réputation du violoniste n’est aucunement surfaite. Extrêmement à l’aise avec son instrument entre les mains, l’artiste a mené de main de maître la charge pendant l’ouverture des Hébrides, La grotte de Fingal.
Pièce fougueuse, puissante, voire même altière, l’oeuvre aux échos marins propulse une déferlante de notes sur les parois de la salle, la mélodie s’écrasant sur les murs comme sur autant de frêles esquifs ébranlés par les flots,
Sur la scène, les percussions étaient pratiquement seules sur la plateforme, alors que le reste de l’orchestre se trouvait un peu plus bas. À croire que les coups sourds des tambours effrayaient les autres musiciens…
Après cette mise en bouche hélas trop courte, où M. Bell alternait entre les notes tirées de son violon et la direction réalisée depuis son siège, l’archet à la main, il était temps de passer aux choses sérieuses, soit le concerto pour violon et orchestre no 1 en sol mineur, de Bruch. Voilà que Joshua Bell endosse pleinement son rôle de soliste et s’installe au centre de la scène, tirant le meilleur de son instrument qu’il caresse autant qu’il le martyrise.
Bruch évoque la peine, le deuil et la mort avec une superbe utilisation des instruments à cordes. Un romantisme exacerbé, poussé au-delà de ses limites.
Il s’agissait fort probablement du point fort de la soirée. Car si rien n’est véritablement venu entacher la présentation de la troisième oeuvre, la Symphonie no 7 de Beethoven, il faut se rendre à l’évidence: M. Bell se débrouille bien comme chef d’orchestre, mais son talent continue de résider dans le maniement de l’archet.
On repart ainsi de la Maison symphonique particulièrement satisfait après une soirée musicale qui a tourné rondement. Reste à voir si l’artiste envisagera de renouveler cette expérience hybride, ou s’il décidera de se cantonner à un seul rôle.